Depuis des années les « libéraux » israéliens ont perpétré une supercherie (en anglais, oui, j’ai bien dit hoax), disant “combattre l’occupation” et souhaitant diviser la Palestine historique en deux Etats, l’un juif et l’autre palestinien. Les officiels israéliens ont passé des années et des années à négocier avec les US, avec le Quartet, avec l’Autorité palestinienne, et n’ont absolument rien donné en échange du temps que cela leur faisait gagner. Des millions de dollars, provenant des contribuables européens et américains, ont permis à ces négociateurs de se la couler douce. Comment les Israéliens ont-ils obtenu ce résultat glorieux (pour eux) ? C’est grâce aux Israéliens dits progressistes ou libéraux. Sans la complicité de ces gens-là, les nationalistes juifs modérés de Bibi Netanyahou auraient été incapables d’engloutir et de digérer la Palestine, lentement et sûrement, en paix, une bouchée après l’autre.
Chaque année ils confisquent quelques km2 stratégiques, et y installent quelques milliers de colons. Pas à pas, ils ont dévoré la Palestine comme les souris viennent à bout du fromage. Et maintenant ils sont sous le choc : leur mode de vie enchanté va bientôt s’évanouir, parce que leur escroquerie est dévoilée.
Les nationalistes juifs purs et durs ont toujours voulu annexer la totalité de la Palestine. Les modérés et les libéraux pensaient que cela ferait imploser l’Etat juif, parce que dans le nouvel Etat les juifs auraient du mal à rester majoritaires. Il y a des statistiques diverses, et des conclusions différentes, mais selon le décompte le plus optimiste pour les juifs, ils représenteront 50% de la population. L’Etat unique ne serait donc pas juif, ou bien il ne serait pas démocratique, voilà la réponse habituelle. Les nationalistes rétorquaient : « On verra. Gardons le cap, et nous saurons gérer la situation ».
Les gentils salopards modérés et leurs crypto-partisans répondaient de leur côté : « Nous en serions ravis, mais c’est l’Amérique qui ne nous le permet pas ». Et les US fournissaient aux juifs israéliens, docilement, un alibi : « Effectivement, nous ne vous permettrions pas d’annexer la Palestine, oui, nous voulons que vous acceptiez de négocier en vue de la solution à deux Etats ». Tout ça, c’est dépassé désormais.
Si les juifs annexent la Palestine, c’en sera fini aussi de leur long subterfuge en termes d’occupation et de « lutte contre l’occupation ». Ce faisant, ils donneront aux Palestiniens l’égalité des droits, y compris le droit de voter à la Knesset, et là il y aura bien un pouvoir partagé, avec d’autres fruits de la démocratie. S’ils ne donnent pas des droits égaux aux Palestiniens, il y aura un enjeu simple et clair pour lequel nous battre : précisément cela, l’égalité des droits et la liquidation des vestiges de l’apartheid.
Voici le point de vue d’un merveilleux militant de Bethléem, le professeur Mazin Qumsiyeh, directeur du Musée d’histoire naturelle de la Palestine, qui était à Yale autrefois. Il signe « Un bédouin dans le cyber espace, un villageois chez lui », et c’est un surgeon d’une vieille famille chrétienne. Réagissant à la nomination de Friedman, Qumsiyeh écrit : « ça peut s’avérer positif parce que cela peut dissiper le brouillard, et peut-être que la dernière feuille de vigne qui cache l’absurdité de ces ‘négociations’ pour une ‘solution à deux Etats’ (sorte de mirage pour dissimuler l’apartheid et le colonialisme qui se maintiennent) s’envolera».
C’est à peu près ce que j’écrivais il y a longtemps déjà, en 2001[1]: “L’idée de deux Etats a toujours été de l’esbroufe. Pas un politicien israélien, même le regretté Rabin, n’a jamais sérieusement envisagé de renoncer à la moindre parcelle de la Palestine historique […] Autrement dit : Nous devrions dire aux juifs : ‘Annexez les territoires, mais donnez aux Palestiniens l’égalité pleine et entière’. L’issue à la situation actuelle n’est pas la partition en deux Etats mais l’absorption et l’égalité ( In L’Autre Visage d’Israël, éd. Al Qalam, 2003).
Voilà pourquoi je ne suis pas affolé par la nomination de Mr. Friedman. Laissons-le amener l’Israël à rendre effective l’annexion de la Palestine, ainsi que l’égalité pour ses habitants. Il a l’air d’un homme droit, pour autant qu’un avocat juif puisse l’être. Il a même ouvert une clinique de convalescence pour enfants juifs et palestiniens, dans le Sud d’Israël.
Certes, un ambassadeur US en Israël a moins de pouvoirs qu’un préfet romain en Judée au temps du Christ. Mais maintenant il deviendra difficile pour un dirigeant israélien de dire qu’il n’annexe pas la Palestine à cause du veto américain. Et après l’annexion, à nous de jouer pour l’égalité, dans des conditions plus favorables.
Cette solution fait sens, dans la mesure où il y a une grande insatisfaction dans les territoires palestiniens. Les dernières élections se sont tenues en 2006 ; depuis les cinq dernières années, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas règne sans mandat populaire, et s’appuie seulement sur l’autorisation israélienne. Pour obtenir ce soutien israélien, l’Autorité a juré de « coopérer en matière de sécurité » avec les juifs. Les soldats israéliens et la police peuvent pénétrer (et ils le font tous les jours) en territoire palestinien tant qu’ils veulent et mettre le grappin sur chacun à leur guise. Les gens n’apprécient pas cette coopération, parce que la police palestinienne en est à arrêter ceux qui manifestent contre l’occupation israélienne. Ils voient l’Autorité comme le partenaire junior dans l’appareil d’occupation israélien. Nul besoin de comparer avec le régime de Vichy ou les Quisling de Norvège ou encore le Judenrat allemand : la situation est différente, et les gens ont besoin d’une autorité locale pour le nettoyage des rues et la distribution du courrier.
Le parti d’Abbas n’est pas ce qu’il y a de pire : la majorité des responsables est composée de braves gens sincères, même si leur capacité pour faire vraiment bien les choses est étroitement limitée par les Israéliens. Le manque de démocratie constitue un problème : aux dernières élections, la majorité a voté pour le Hamas, un parti islamique modéré comparable à celui de Erdogan en Turquie, mais sur insistance américaine et israélienne, les gagnants se sont surtout retrouvés en taule, et n’ont pas pu participer au gouvernement. Depuis lors, l’autorité palestinienne trouve sans cesse de nouvelles raisons pour retarder de nouvelles élections : ils ne croient pas qu’ils gagneraient.
Le Hamas est au pouvoir à Gaza, et il y est parvenu en toute légitimité, mais les habitants là aussi en ont assez de sa férule. Les Palestiniens disent que Gaza, contrôlée par le Hamas, voterait pour le Fatah, tandis que la Cisjordanie contrôlée par le Fatah voterait pour le Hamas, et c’est bien possible. Le mois dernier, il y a eu des heurts violents entre la police de l’Autorité palestinienne et les partisans de Mohammed Dahlan, ex ministre en exil, qui veut devenir le nouveau président. Mahmoud Abbas n’a aucune envie de partager son poste présidentiel, malgré son grand âge (plus de 80 ans).
Les observateurs israéliens et palestiniens pensent que l’Autorité palestinienne pourrait bien s’écrouler cette année. Abbas a dit plusieurs fois qu’il était prêt à rendre les clés à Israël : « Laissez-les gouverner, puisqu’ils m’ont rendu la tâche impossible ! »
Les Palestiniens préféreraient être absorbés dans l’Israël, avec sa démocratie limitée, ses lois, son ordre, et sa prospérité relative. Il n’y a pas un village palestinien en Israël qui serait d’accord pour se faire absorber dans une Palestine dirigée par l’ANP : cela a été discuté plusieurs fois, et l’offre n’a pas trouvé preneur. Les Palestiniens sont tout à fait capables de gérer un pays, mais les limites imposées par les juifs sont trop étroites pour que ce soit viable. Alors en avant pour l’annexion et l’égalité.
La Palestine/Israël deviendra un Etat démocratique, où Juifs et Palestiniens pourront vivre heureux à terme, en égaux. Mais l’Etat démocratique ne sera pas un Etat juif, objecteront certains. Et c’est bien le meilleur aspect de la chose, je dirais. L’Etat juif est aussi détestable que l’Etat aryen, ou l’Etat islamique, et tous ceux qui rejettent l’Etat aryen et l’Etat islamique devraient rejeter l’Etat juif de même. Cela porterait un coup à l’Entité opaque : Israël joue un rôle important dans leurs plans, et la disparition de l’Etat juif va saper leurs projets.
Sans l’Etat juif, les juifs des US et d’autres contrées reprendront leur vie normale, oublieront les rêves de domination du monde, et deviendront des citoyens respectueux de la loi dans leurs pays respectifs.
Et en quoi cette nomination va-t-elle sauver Trump ? Elle va mobiliser les sionistes purs et durs pour le soutenir contre leurs frères modérés et libéraux. Ce sont les mêmes qui avaient combattu contre les sionistes modérés en Palestine en 1947-48, et ils n’ont pas de mal à se lancer dans la bataille contre les juifs libéraux.
Même si pour des raisons de correction politique, les gens préfèrent parler des juifs en termes de sionistes, ce n’est qu’une figure de style. Les priorités sont très différentes pour les uns et les autres. Les « libéraux » veulent établir le nouvel ordre mondial, qui ferait une large place, généreusement, à l’Etat juif. Pour les sionistes purs et durs, le monde, c’est secondaire, tout ce qu’ils veulent c’est la Palestine tout de suite.
Ces sionistes-là ne sont pas assez malins pour comprendre que les modérés vont dans le même sens. Ils veulent rafler ce qu’ils peuvent sans attendre. C’est pourquoi ils se laisseront entraîner par l’idée de rafler la mise dès maintenant. Je pense qu’ils vont soutenir Trump, et peut-être que ce soutien l’aidera à louvoyer entre le Collège électoral (Charybde) et la Chambre des représentants (Scylla).
Conclusion, n’ayez pas peur du méchant Mr. Friedman. Il peut faire beaucoup de bonnes choses. En tout cas, il ne pourra pas faire empirer la situation. Personne ne croit que les juifs donneront jamais des parts de la Palestine aux Palestiniens, de toute façon. Alors laissons-les croquer le tout, et en faire une démocratie. Cela coulera la machinerie sioniste plus vite et mieux qu’aucune guerre ne pourrait le faire.
Traduction : Maria Poumier
Notes
[1] “The idea of two states in Palestine is, and has
always been, a bluff. No Israeli politician, including the late lamented
Mr Rabin, has ever seriously considered relinquishing any part of
historical Palestine. The endless negotiations have been a sideshow
designed to mollify the public. Behind the smoke screen of ‘temporary
military occupation’, the hard-nosed Israeli leadership has confiscated
Palestinian fields and houses to make room for Jewish settlements, and
imprisoned and killed thousands of Palestinians. A succession of leftist
and rightist Israeli regimes perpetuated this legal fiction in order to
deny the civic rights of the conquered population. It was a brilliant
idea, worthy of the Jewish genius: to carry on negotiations forever
while giving lip service to the idea of two states.
My Palestinian and Israeli friends, you’ve been duped. Our wise men played a cruel game with you, teasing you with empty promises like the stale old ‘tale of two states’. There have always been only two paths for the Palestinians to emerge from serfdom. One is to beat Israel; the second is to join it. The third option, of a new partition, is just an illusion: a juicy but unreachable carrot dangled in front of the donkey.
If I were a fan of conspiracy theories I could well imagine that these good people of the Israeli peace movement intentionally supplied this left leg to our shaky apartheid structure. By continually re-painting the [old armistice] Green Line, they have endorsed the non-citizen status of the Palestinians in their own land. By calling some lands ‘occupied territories’ they have exempted themselves from the need to battle against the exclusion of Palestinians from the country’s political life. By combating the annexation of the territories they have helped to concoct the fraud of independent Palestinian Bantustans.
Even a kid watching James Bond movies eventually understands that the hero won’t be eaten by crocodiles and won’t die in the flames, and that there is no reason for expecting these eventualities. There is even less reason for expecting that an Israeli government will sign a just peace with the Palestinians. They will always deploy an exit-strategy in the `peace process’.
A better strategy leads through annexation of Palestinian territories and full equality for all dwellers of historical Palestine. The Jews do not like to give, but can’t restrain themselves from taking. The result can be the same. There is an old oriental story about the wise joker Haji Nasreddin, who passed by a lake and saw a drowning man. Many bystanders tried to save him. They stretched their hands and shouted: Give me your hand! But the drowning man was going down. Who is this man?- asked Haji. – He is a moneylender, people replied. That is not the way to save a moneylender, – said Haji. Moneylenders do not know how to give. Instead, shout: “Take my hand!” and he will clutch at it. This is what Haji Nasreddin did, and saved the drowning man.
Using his advice, we should say to the Jews, “Annex the territories, but give the Palestinians full equality.” The way out of present situation is not partition into two states but absorption and equality”. Voir tout l’article ici.
Source
My Palestinian and Israeli friends, you’ve been duped. Our wise men played a cruel game with you, teasing you with empty promises like the stale old ‘tale of two states’. There have always been only two paths for the Palestinians to emerge from serfdom. One is to beat Israel; the second is to join it. The third option, of a new partition, is just an illusion: a juicy but unreachable carrot dangled in front of the donkey.
If I were a fan of conspiracy theories I could well imagine that these good people of the Israeli peace movement intentionally supplied this left leg to our shaky apartheid structure. By continually re-painting the [old armistice] Green Line, they have endorsed the non-citizen status of the Palestinians in their own land. By calling some lands ‘occupied territories’ they have exempted themselves from the need to battle against the exclusion of Palestinians from the country’s political life. By combating the annexation of the territories they have helped to concoct the fraud of independent Palestinian Bantustans.
Even a kid watching James Bond movies eventually understands that the hero won’t be eaten by crocodiles and won’t die in the flames, and that there is no reason for expecting these eventualities. There is even less reason for expecting that an Israeli government will sign a just peace with the Palestinians. They will always deploy an exit-strategy in the `peace process’.
A better strategy leads through annexation of Palestinian territories and full equality for all dwellers of historical Palestine. The Jews do not like to give, but can’t restrain themselves from taking. The result can be the same. There is an old oriental story about the wise joker Haji Nasreddin, who passed by a lake and saw a drowning man. Many bystanders tried to save him. They stretched their hands and shouted: Give me your hand! But the drowning man was going down. Who is this man?- asked Haji. – He is a moneylender, people replied. That is not the way to save a moneylender, – said Haji. Moneylenders do not know how to give. Instead, shout: “Take my hand!” and he will clutch at it. This is what Haji Nasreddin did, and saved the drowning man.
Using his advice, we should say to the Jews, “Annex the territories, but give the Palestinians full equality.” The way out of present situation is not partition into two states but absorption and equality”. Voir tout l’article ici.
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