BHL synthétise à lui seul le mal français jadis plus ou moins défini par le ministre gaulliste Alain Peyrefitte. Il incarne la chasse aux sorcières à la française, le fanatisme à la française, la superficialité à la française, le manque de professionnalisme à la française, le style pompeux à la française ; le goût enfin pour la lutte contre les tyrans qui s’est exprimé au-delà du ridicule ces dernières années avec ces présidents héritiers de Guy Mollet et de la Convention – sans oublier le gouvernement de 1849 qui voulait faire la guerre pour rien à la Russie (voyez la fin des Souvenirs de Tocqueville) .
Ce n’est pas un hasard si les intellectuels juifs comme Raymond Aron et Simon Nora l’avaient remis à sa place, après la publication de son « idéolochie ». Car BHL incarne – et sans le vouloir – la stupidité du cuistre à la française, certainement pas le complot juif pour attardés des Alpes ! Il n’est certainement pas le grand Marx ou le Trotski que je référence ici ; il est le pédant de salon plastifié que nous avons connu depuis des lustres, le Trissotin dont se moque Molière, ou le jésuite défroqué qui lançait jadis ses croisades roboratives contre le monde entier (Albion à midi, l’Autriche l’après-midi, la lointaine Russie le soir – en attendant la raclée contre la Prusse le lendemain).
Aude Lancelin a eu maille à partir avec lui et elle en parle bien ici :
Qu’une telle affaire fût simplement possible constituait décidément un terrible symptôme. Ce Bernard-Henri Lévy, en soi, était un hapax, une bizarrerie à tous égards, mais la situation qui lui était faite, l’état d’exception permanent dont il jouissait, disait tout de la dégradation à peine concevable dans laquelle la société culturelle et médiatique française était tombée.Lancelin excuse l’homme de la rue, moi pas. L’homme de la rue soutient l’euro, l’OTAN, les guerres socialistes et il bouge encore moins que ses ancêtres. Et elle nous dénonce aussi la presse à ses ordres.
Or il y a erreur encore.
La presse française n’est pas à ses ordres. Subventionnée, non commerciale, nulle, elle pense simplement comme lui sur tous les sujets ! C’est ce que Tocqueville appelait la tyrannie de la majorité…
L’homme de la rue, lui, n’était plus la dupe de Bernard-Henri Lévy cependant. Les ventes de ses livres ne se redresseraient jamais vraiment de l’annus horribilis que fut pour lui 2010. Tout ce qu’il pourrait faire désormais, c’était entretenir quelques parasites pour l’admirer de façon intéressée, ou nuire encore dans la coulisse. Les médias officiels ne le lâcheraient jamais tout à fait cependant, c’était là l’étrangeté du temps. Plutôt que de pousser de nouveaux noms, ils préféraient mourir avec leurs intellectuels croupions.A propos de ces suicides médiatiques et du fanatisme suiviste, on recommandera la lecture de Cochin sur la terreur sèche, ce cocktail continu de bêtise et de terrorisme intellectuel qui n’a rien à envier à l’illuminisme anglo-saxon que dénonceront Johnson ou Chesterton.
Et voici ce que dit Cochin sur la terreur sèche dans La Libre pensée :
« La Terreur régnait sur la France en 1793, mais elle régnait déjà sur les lettres, au temps où le philosophisme jetait Fréron à Vincennes, Gilbert à l’hôpital et Rousseau hors de ses sens et fermait l’Académie aux « hérétiques ». Avant le Terreur sanglante de 1793, il y eut, de 1765 à 1780 dans la république des lettres une Terreur sèche dont l’Encyclopédie fut le Comité de Salut public et d’Alembert le Robespierre. Elle faucha les réputations comme l’autre les têtes ; sa guillotine, c’est la diffamation, « l’infamie », comme on disait alors… Et les têtes tombent en grand nombre : Fréron, Pompignan, Palissot, Gilbert, Linguet, l’abbé de Voisenon, l’abbé Barthélemy, Chabanon, Dorat, Sedaine, le président de Brosses, Rousseau lui-même pour ne parler que des gens de lettres, car le massacre fut bien plus grand dans le monde politique. »Notre BHL n’est que le président – ou le chef de meute, de la cabale dit Molière dans Don Juan – de la minable république des lettres sous l’éteignoir de laquelle nous vivons depuis des siècles. Il incrimine l’antisémitisme, or il incarne la nullité impétueuse du cuistre à la française. Il n’est même que cela, au-delà de son indécente incompétence et de ses prédictions ridicules. Après Clinton, Hollande ? Après Hollande, Juppé ? Cette nullité est aussi caractéristique de la presse mainstream que certains s’échinent encore à lire, fût-ce pour la critiquer.
Voilà pourquoi on ne s’intéresse ici qu’à la littérature du début du dix-neuvième siècle, celle de Tocqueville, Chateaubriand, Balzac, Gautier, Dumas, tous amis de la Russie, de l’esprit romantique, libre et aristocratique –dont de Gaulle fut le dernier héritier littéraire et politique.
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