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vendredi 23 décembre 2016

L’extraordinaire sang-froid de Saddam Hussein face à ses bourreaux, face à la mort










Le début chaotique du président élu, Donald Trump, en politique étrangère, a quand même soulevé un point intéressant, même si sa tentative ressemble plus à un porc aveugle cherchant des glands qu’à une initiative bien réfléchie. En parlant avec le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, Trump a dit qu’il voulait «résoudre et trouver des solutions aux problèmes [du Pakistan]».


Si Trump comprend vraiment à quel point les tensions actuelles entre le Pakistan et l’Inde sont dangereuses, ou si quelque chose va résulter de l’échange du 30 novembre entre les deux dirigeants, libre à chacun de le deviner, mais c’est déjà bien plus que ce qu’a fait l’administration Obama au cours des huit dernières années, malgré sa promesse électorale de 2008 de faire quelque chose pour la crise en cours au Cachemire.

De nos jours, cette terre troublée est l’endroit le plus dangereux du globe.

L’Inde et le Pakistan se sont déjà livré trois guerres au cours des six dernières décennies, à cause de cette province disputée, et en sont venus à deux doigts d’un échange nucléaire en 1999. Les deux pays sont engagés dans un programme accéléré d’armement nucléaire et, à eux deux, ont assez de puissance explosive pour tuer non seulement plus de 20 millions de leurs propres citoyens, mais pour dévaster aussi la couche d’ozone dans le monde et faire basculer l’hémisphère nord dans un hiver nucléaire qui aura un impact catastrophique sur l’agriculture mondiale.

Selon des études réalisées à Rutgers, à l’Université de Colorado-Boulder et à l’Université de Californie de Los Angeles, si les deux pays faisaient exploser 100 bombes d’une taille de celle d’Hiroshima, cela générerait entre 1 et 5 millions de tonnes de fumée qui, en 10 jours, feraient descendre les températures de l’hémisphère nord à des niveaux trop froids pour la production de blé dans une grande partie du Canada et de la Russie. Une baisse de 10% des précipitations – qui toucherait particulièrement la mousson asiatique – épuiserait les approvisionnements alimentaires dans le monde, entraînant la famine de plus de 100 millions de personnes.
Outre la crise alimentaire, une guerre nucléaire en Asie du Sud détruirait entre 25% et 70% de la couche d’ozone de l’hémisphère nord, ce qui entraînerait une augmentation massive du dangereux rayonnement ultraviolet.

Quiconque pense que la probabilité d’une telle guerre est faible, n’a qu’à considérer ces deux récents développements.

D’abord la décision du Pakistan de déployer des armes nucléaires tactiques, c’est à dire de terrain, à faible intensité, et de donner la permission aux commandants locaux de décider quand les utiliser.
Dans une interview accordée au journal allemand Deutsche Welle, Gregory Koblentz du Conseil des relations extérieures a averti que si un «commandant d’une unité nucléaire déployée en avant-garde se retrouve dans une situation ‘de survie’ et sur le point d’être dépassé, il pourrait décider d’utiliser ses armes nucléaires».
Le ministre pakistanais de la Défense, Muhammad Asif, a déclaré à Geo TV : «Si quelqu’un pénètre notre sol, et si les projets de quiconque représentent une menace pour notre sécurité, nous n’hésiterons pas à utiliser ces armes [nucléaires] pour notre défense.»

Quelquefois, le Pentagone simule un affrontement entre le Pakistan et l’Inde au sujet du Cachemire : chaque simulation se termine par une guerre nucléaire.

Le deuxième développement dangereux est la stratégie de «démarrage à froid» de l’Inde, qui enverrait les troupes indiennes traverser la frontière sur une trentaine de kilomètres de profondeur en cas d’attaque terroriste, comme l’incident de Kargill au Cachemire en 1999, l’attentat terroriste de 2001 contre le Parlement indien ou l’attaque de 2008 sur Mumbai, qui a tué 166 personnes.

Puisque l’armée indienne est plus du double de la taille de celle du Pakistan, il y aurait peu de choses que les Pakistanais puissent faire pour arrêter une telle invasion, sinon utiliser ces armes nucléaires tactiques. L’Inde serait alors obligée d’accepter la défaite ou d’y répondre.

L’Inde ne dispose actuellement d’aucune arme nucléaire tactique, mais seulement des armes stratégiques à haut rendement – beaucoup visant la Chine – dont la principale utilité est de détruire les villes. Alors la décision d’un commandant pakistanais d’utiliser une ogive tactique conduirait presque sûrement à une réponse stratégique de l’Inde, déclenchant un échange nucléaire à grande échelle et le cauchemar qui suivrait dans son sillage.

Avec autant en jeu, pourquoi est-ce que personne ne dit rien, sauf un adepte de la politique étrangère, par Twitter interposé ? Qu’est-il advenu de la promesse du président Obama dans sa déclaration de 2008, selon laquelle les tensions sur le Cachemire «ne seront pas faciles» à résoudre, mais qu’il «est important» de le faire ?

La stratégie initiale consistant à faire alliance avec l’Inde contre la Chine a été imaginée pendant l’administration de George W. Bush, mais c’est le Pivot vers l’Asie d’Obama qui a signé et scellé l’accord. Celui-ci contient un sous entendu : si l’Inde abandonne sa neutralité traditionnelle, les Américains fermeront les yeux sur le problème du Cachemire.

Pour l’attirer encore plus, les États-Unis ont accepté de contourner l’Accord de non-prolifération nucléaire et de permettre à l’Inde d’acheter de l’uranium sur le marché mondial, ce qui lui avait été interdit depuis qu’elle avait fait exploser une bombe nucléaire en 1974, avec de l’uranium états-unien destiné aux centrales nucléaires. En tout état de cause, étant donné que ni l’Inde ni le Pakistan n’ont signé l’accord, il devrait être interdit aux deux pays d’acheter de l’uranium. Dans le cas de l’Inde, les États-Unis ont renoncé à cette restriction.

L’accord nommé 1-2-3 oblige l’Inde à utiliser seulement pour ses réacteurs civils le combustible nucléaire qu’elle achète, mais lui permet d’utiliser ses maigres ressources intérieures pour son programme d’armement nucléaire. L’Inde a depuis construit deux énormes sites de production nucléaire à Challakere et près de Mysore, où, selon la rumeur, elle produit une bombe à hydrogène. Les deux sites sont interdits aux inspecteurs internationaux.
En 2008, lorsque l’administration Obama a indiqué qu’elle était intéressée à poursuivre l’accord 1-2-3, le ministre pakistanais des Affaires étrangères Khurshid Kusuni a averti que l’accord porterait atteinte au traité de non-prolifération et conduirait à une course aux armements nucléaires en Asie. C’est exactement ce qui est arrivé. Les seuls pays qui augmentent actuellement leur arsenal nucléaire sont le Pakistan, l’Inde, la Chine et la Corée du Nord.

Alors que le Pakistan est encore empêché d’acheter de l’uranium sur le marché mondial, il a suffisamment de capacité domestique pour alimenter un programme accéléré d’augmentation de sa production d’ogives. On estime que le Pakistan possède entre 110 et 130 ogives et devrait en avoir 200 d’ici 2020, dépassant la Grande-Bretagne. L’Inde compte entre 110 et 120 armes nucléaires. Les deux pays ont des missiles à courte, moyenne et longue portée, des missiles balistiques sous-marins et des missiles de croisière, ainsi que des avions à capacité nucléaire capables de cibler les principales zones urbaines de l’autre.

Un problème dans la crise actuelle est que les deux pays sont essentiellement engagés dans un dialogue de sourds.

Le Pakistan a des préoccupations de sécurité légitimes. Il a combattu et perdu trois guerres contre l’Inde au sujet du Cachemire depuis 1947, et il est profondément paranoïaque au sujet de la taille de l’armée indienne.

Mais l’Inde a été la victime de plusieurs attentats terroristes majeurs, dont les nombreuses traces remontent au Pakistan. L’invasion de Kargill en 1999 a duré un mois et tué des centaines de soldats des deux côtés. Apparemment, les Pakistanais envisageaient d’armer leurs missiles avec des ogives nucléaires, jusqu’à ce que l’administration Clinton les convainque de ne pas le faire.

L’armée pakistanaise a longtemps nié avoir un quelconque contrôle sur les organisations terroristes basées au Pakistan, mais pratiquement tous les services de renseignement conviennent que, à l’exception des talibans locaux, ce n’est pas le cas. L’armée pakistanaise était certainement au courant d’une attaque récente contre une base de l’armée indienne au Cachemire qui a tué 19 soldats.

Dans le passé, l’Inde a répondu à de telles attaques par de discrètes contre-attaques, mais cette fois, le gouvernement nationaliste de droite de Narendra Modi a annoncé que les militaires indiens avaient franchi la frontière et tué plus de 30 militants. C’était la première fois que l’Inde reconnaissait publiquement une agression transfrontalière.

La presse indienne a alimenté une ferveur nationaliste, qui a fait que les événements sportifs entre les deux pays ont été annulés et l’utilisation d’acteurs pakistanais dans les films indiens interdite. La presse pakistanaise a fait la même chose de son côté.

Entre-temps, la situation au Cachemire est allée de mal en pis. Au début de l’été, les forces de sécurité indiennes ont tué Buhan Wani, un chef populaire du mouvement indépendantiste du Cachemire. Depuis lors, la province a été gravement paralysée, avec des écoles fermées et des manifestations massives. Des milliers de résidents ont été arrêtés, près de 100 personnes ont été tuées et des centaines de manifestants ont été blessés et aveuglés par l’utilisation généralisée de carabines à plomb par les forces de sécurité indiennes.

Le régime indien au Cachemire a été particulièrement brutal. Entre 50 000 et 80 000 personnes sont mortes au cours des six dernières décennies et des milliers d’autres ont été «disparues» par les forces de sécurité. Alors que dans le passé l’armée pakistanaise a aidé l’infiltration de groupes terroristes pour attaquer l’armée indienne, cette fois, l’insurrection est domestique. Les Cachemiris sont tout simplement fatigués de la loi martiale et d’une loi qui donne aux forces de sécurité indiennes carte blanche pour terroriser la population.

La Loi sur les pouvoirs spéciaux, initialement créée en 1925 pour la suppression des catholiques en Irlande du Nord et largement utilisée par les Israéliens dans les Territoires occupés, permet aux autorités indiennes d’arrêter et d’emprisonner sans inculpation et procure une totale immunité aux forces de sécurité indiennes.

Aussi complexe que soit la situation au Cachemire, il existe des moyens d’y remédier. Un bon départ serait de suspendre la Loi sur les pouvoirs spéciaux et de renvoyer l’armée indienne dans ses casernes.

La crise au Cachemire a commencé lorsque le dirigeant hindou de cette région majoritairement musulmane a opté pour rejoindre l’Inde, lorsque les pays ont été divisés en 1947. À l’époque, on avait promis aux résidents qu’un référendum parrainé par l’ONU leur permettrait de choisir l’Inde, le Pakistan ou l’indépendance. Ce référendum n’a jamais eu lieu.

Il est sûr que la situation actuelle ne peut pas continuer ainsi. Le Cachemire compte près de 12 millions d’habitants et aucune armée ni aucune force de sécurité – même une aussi grande que l’Inde – ne peut maintenir une occupation permanente si les résidents la refusent. Au lieu de recourir à la force, l’Inde devrait calmer ses forces de sécurité et négocier avec les Cachemiris un élargissement de l’autonomie locale, dans un premier temps.

Mais à long terme, les Cachemiris devraient avoir leur référendum et l’Inde et le Pakistan devront en accepter les résultats.

Ce que le monde ne peut se permettre est que les tensions actuelles se transforment en une confrontation militaire qui pourrait facilement échapper à tout contrôle. Les États-Unis, grâce à leur aide au Pakistan – 860 millions de dollars cette année – ont un certain effet de levier, mais ils ne peuvent pas avoir un rôle puissant si leur objectif ultime est une alliance pour contenir la Chine, un proche allié du Pakistan.

Aucun des deux pays ne survivrait à une guerre nucléaire et aucun des deux pays ne devrait dépenser son argent pour une course aux armements. Près de 30% de la population indienne est en dessous du seuil de pauvreté, ainsi que 22% des Pakistanais. Les 51 milliards de dollars du budget de la défense indienne et les 7 milliards de dollars pakistanais pourraient être bien mieux utilisés.

Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone

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