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jeudi 15 décembre 2016

Brevet des collèges : de la démagogie à la stigmatisation !


Il était déjà facile d’obtenir le diplôme national du brevet (DNB) : 87,3 % de réussite en 2016. Désormais, ce sera encore plus facile. « Bientôt 100 % de réussite au brevet des collèges ? », titre Le Figaro du 13 décembre. Mais cette inflation du diplôme dissimule une sélection impitoyable, reportée à plus tard.

À partir de 2017, l’obtention du DNB va reposer sur le contrôle continu et trois épreuves obligatoires. 

Une épreuve orale, pendant laquelle l’élève présente un projet travaillé dans le cadre d’un enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) ou d’un des parcours éducatifs, permettant notamment d’évaluer la qualité de l’expression orale. Épreuve, au demeurant, discriminatoire, contrairement aux intentions affichées de ses concepteurs, si l’on considère que l’aisance à l’oral, contrairement à l’écrit, dépend beaucoup du milieu socio-culturel de l’élève. Gageons que les examinateurs recevront des consignes de bienveillance.

Ensuite, deux épreuves écrites : l’une portant sur le français, l’histoire-géographie et l’enseignement moral et civique, l’autre sur les mathématiques, les sciences de la vie et de la Terre, la physique-chimie et la technologie. À lire leur définition, elles pourraient presque paraître encyclopédiques et pointues : en mathématiques, « un exercice de programmation informatique » ! Qu’on se rassure : elles sont si faciles qu’un élève moyen n’a besoin que de la moitié du temps pour répondre correctement à toutes les questions.
Finalement, rien de très nouveau ? Si ! La façon dont est évalué le contrôle continu. Auparavant, il représentait 200 points contre 160 points pour l’examen final. Désormais, ce sera 400 points pour le contrôle continu et 300 points pour les épreuves de l’examen.
Il faut atteindre 350 points sur 700 pour être reçu.
 La maîtrise de chacune des huit composantes du socle commun sera appréciée lors du conseil de classe du 3e trimestre : « Maîtrise insuffisante » (10 points), « Maîtrise fragile » (25 points), « Maîtrise satisfaisante » (40 points), « Très bonne maîtrise » (50 points). Chic ! L’élève est assuré de 80 points s’il ne maîtrise pas les composantes et de 200 points s’il les maîtrise fragilement. On croit rêver ! Mais les « experts » ne disent-ils pas que les mauvaises notes sont traumatisantes ?

Pourtant, il y a plus traumatisant. L’évaluation par compétences est beaucoup plus stigmatisante qu’une notation classique. Quand un professeur note l’exercice d’un élève, il note une production, toujours perfectible : évaluer ses compétences, c’est juger sa personne. C’est souligner, s’il ne les maîtrise pas, son incompétence dans la société hyper-utilitariste qu’on lui prépare. C’est déclarer, en souriant, qu’il est irrécupérable.

Mais le ministère ne s’en soucie guère. Pour lui, l’important, c’est d’augmenter le taux de réussite et d’afficher une progression artificielle pour mieux légitimer la réforme du collège – qui, d’après de nombreux témoignages de professeurs du terrain, fait un fiasco.
Le diplôme national du brevet est une supercherie : les plus lucides des parents et des élèves le savent bien. Son seul intérêt est d’initier les élèves à un examen avant le baccalauréat. Mais l’indulgence avec laquelle il est attribué masque l’échec qui interviendra nécessairement plus tard. L’égalitarisme, la médiocratie qui s’est substituée à la méritocratie républicaine conduisent à la pire des sélections : la sélection par l’échec et le dégoût de soi.

 Jean-Michel Léost

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