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mercredi 14 décembre 2016

Les mécanismes meurtriers de la mondialisation néo-libérale

                           Auran Derien, universitaire
Il existe des structures économiques meurtrières. Telle est la thèse que présente Garry Leech (1) et qu’il développe en insistant sur l’aspect génocidaire du capitalisme globalisé.
Le génocide, comme conséquence du système occidental, est expliqué dans six chapitres, dont certains sont consacrés aux exemples de pays ou de continents où la mortalité a augmenté brutalement à cause des changements structurels violents imposés par les forces globalitaires. Entre autres zones, l’auteur détaille les cas du Mexique, après le traité de libre-commerce (ALENA), l’Inde, avec les semences OGM et le continent africain. Il termine par un long plaidoyer en faveur d’un socialisme selon les peuples, non dogmatique, hors de l’inhumanité bolchévique. Toutefois, ce livre manque de fonds sur trois questions centrales.

Ne pas désigner d’ennemis, c’est rester impuissant

garry_leechIl est clair que la structure actuelle du pouvoir mondialisé débouche sur une destruction massive de toutes les richesses du globe, sur le génocide des peuples et l’appauvrissement des cultures. Les structures ont toutefois été installées  et sont animées par des organisations. Gary Leech se moque de son public lorsqu’il affirme à la fois que la violence structurelle dans le capitalisme constitue un génocide structurel mais que les individus spécifiques qui prennent les décisions n’importent pas.  Il est tout à fait légitime d’analyser des systèmes et des structures. Cependant, à partir du moment où certaines personnes dirigent les organisations responsables de génocides, alors l’adversaire ou l’ennemi a un visage et doit être sanctionné. Il faut être de mauvaise foi pour affirmer que la guerre contre le terrorisme peut se faire sans jamais désigner les financiers.  On découvre une incapacité de l’auteur à penser clairement la différence entre l’économie qui fonctionne en partie avec des droits de propriété privé et le système actuel devenu crapuleux avec des personnes bien identifiables, responsables et coupables de décisions criminelles. Il manque donc un niveau de réflexion. L’économie d’investissement dans laquelle nous vivons est susceptible de fonctionner avec plus ou moins de droit privé. La finance est très ancienne, et on se souviendra de Diogène qui dut quitter sa cité pour avoir falsifié la monnaie. Pourquoi de tels comportements, prédation, fraudes, falsifications ne seraient plus sanctionnés ?

La distinction Nord / Sud n’est plus pertinente

La seconde faiblesse de l’ouvrage provient de sa clef analytique, aujourd’hui périmée, la division Nord / Sud. Le Français Alfred Sauvy avait débuté une analyse du tiers-monde, après la seconde guerre mondiale, et dans la foulée, des idéologues avaient cru pouvoir tout condenser en une analyse du monde en deux parties : le Nord développé et exploiteur contre le Sud, sous-developpé et exploité.
Cette grille de lecture n’a aucune pertinence pour comprendre le monde contemporain. L’absolutisation du marchand est susceptible de toucher toutes les zones de civilisation. L’escroquerie financière met en jeu des personnes de toutes origines. Une distinction pertinente d’aujourd’hui est plutôt entre l’inhumanité globalitaire d’un côté et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes d’un autre.

Le socialisme mérite mieux

La troisième insuffisance de Gary Leech se perçoit dans le dernier chapitre dédié au socialisme. Il fut rédigé avant les attaques globalitaires contre les pays qui se sont engagés dans la voie de la vertu, celle du bien public. Le Vénézuela, le Brésil, l’Argentine, Cuba, tous sont victimes des méthodes utilisées par l’oligarchie occidentaliste.
On perçoit cela aussi en Europe où le génocide des populations est organisé avec un entêtement  biblique. L’auteur du “capitalisme un génocide structurel” insiste trop sur la dialectique entre le droit privé et le droit public, l’individu abstrait du modèle occidental et le membre d’une communauté de travailleurs. Le socialisme proposé nécessite aussi une réflexion sur le système monétaire, ce qui manque cruellement ici, ainsi qu’une conception plus générale de la culture qui se trouve étouffée partout par les tombereaux de déchets répandus par la poubelle hollywoodienne.
Il en résulte que l’alternative proposée par Garry Leech est incapable d’inspirer une véritable résistance. Ceux qui ont le plus de chance de survivre au chaos organisé  doivent être porteurs d’une culture vivante et connaître clairement l’ennemi, sans se laisser tromper par sa propagande vomitive.

Dans la configuration actuelle du monde, la résistance existe en Asie et, en partie, en Russie. De là germeront les éléments d’un autre monde.

(1) Garry Leech : Le capitalisme. Un génocide structurel, Editions Le retour aux sources, 2012. 270 p. 19€.
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