« Quand l’Assemblée nationale remballe Noam Chomsky » titrait le 30 novembre 2016 le journal en ligne Philosophie magazine.
Le journal précise dans le préambule : « Le philosophe Noam Chomsky,
figure mondialement réputée de la linguistique et intellectuel engagé,
devait recevoir, ce mercredi, une distinction scientifique à l’Assemblée
nationale, à Paris. L’International Society of Philology (« société
internationale de philologie ») qui honore tous les cinq ans un grand
grammairien ou un grand critique littéraire devait lui remettre, après
Roman Jakobson ou Umberto Eco, une médaille d’or spéciale. Avant que le
philosophe américain n’assiste à la séance hebdomadaire de questions au
gouvernement ». Et rajoute : « Est-ce parce que la prestigieuse
institution craignait de recevoir un hôte qui a l’habitude d’être très
critique avec le monde politique ? L’Assemblée nationale n’a donné
aucune explication pour son annulation de dernière minute ».
Au fond, tout est dit. En substance la
France ne veut pas recevoir celui qui fut considéré comme le « plus
grand intellectuel vivant » à la suite d’un sondage organisé et publié
en 2005 par les magazines Prospect Magazine (britannique)
et Foreign Policy (américain). Ce n’est pas sans rappeler le refus de
François Hollande d’accorder l’asile à Snowden et à Assange.
Il nous a donc semblé instructif de
revenir sur cinq cas d’individus des plus contestables, qui eux furent
vantés, décorés voire même reçus en grande pompe par ceux-là mêmes qui
viennent de tourner le dos à Noam Chomsky.
Les mauvaises fréquentations
Lors d’un dîner officiel à Jérusalem, François Hollande accompagné
du chef d’Etat Israélien Benyamin Netanyahou a entonné un « chant
d’amour pour Israël ». Pourtant Benjamin Netanyahou est un criminel de
guerre. En 2014, le bilan de l’opération militaire israélienne « Bordure
Protectrice » (Protective Edge) à Gaza a dépassé celui de l’opération
« Plomb durci » (Cast Lead) en 2009. Plus de 1500 Palestiniens ont
trouvé la mort. Parmi les victimes figurent 550 enfants. Selon Amnesty
International, en 2015/2016,
en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, les forces israéliennes ont
tué des civils palestiniens hors de toute légalité, y compris des
enfants, et ont arrêté des milliers de Palestiniens qui ont protesté
contre l’occupation militaire israélienne et qui s’y sont opposés. La
torture et autres mauvais traitements sont restés courants et ont été
commis en toute impunité.
En mars 2014, Laurent Fabius, alors
Ministre des Affaires étrangères du gouvernement Hollande-Ayrault,
échange cordialement une poignée de main avec le leader de Svoboda Oleh Tyahnybok qui a déclaré entre autre : « il faut purger 4000 juifs en Ukraine“. Le quotidien israélien Haaretz rapportait que Pravy Sektor et Svoboda distribuaient des traductions de Mein Kampf et des Protocoles des Sages de Sion
sur la place Maïdan. En somme deux écrits symboliques qui ont un lien
direct avec la théorie du complot et l’antisémitisme. Cet article
d’Haaretz est corroboré par le leader du parti Svoboda Oleh Tyahnybok
lui même qui affirmait sans complexe : « une mafia juive moscovite dirige l’Ukraine.
Le 2 mai 2014, le djihadiste Abdelhakim Belhadj fut reçu par le Quai d’Orsay (le ministère des Affaires étrangères). Chassé
de Libye, Belhadj est devenu un combattant islamiste dans la guerre
soviéto-afghane en 1988. En Irak, il combat aux côtés de Abou Moussab
Al-Zarqaoui, le responsable d’Al-Qaïda à Bagdad. En 2002, après les
attentats du 11 septembre et la réconciliation de Kadhafi avec
l’Occident, un mandat d’arrêt a été émis à l’encontre de Belhadj par les
autorités libyennes. Dans un document il a été allégué par le
gouvernement Kadhafi que Belhadj avait développé des « relations
étroites » avec al-Qaïda et le Mollah Omar, chef des talibans. Une note d’Interpol stipule qu’Abdelhakim Belhadj est le chef de la filiale maghrébine de l’Etat Islamique (Daesh).
François Hollande a remis, le vendredi 4 mars 2016, la Légion d’honneur au
prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Nayef, qui est
également ministre de l’intérieur. Dès lors, un prince saoudien est
décoré de la plus haute distinction honorifique française alors même que
la plupart des spécialistes s’accordent à dire que l’Arabie Saoudite
est le premier sponsor du salafisme wahhabite à
l’origine de l’endoctrinement des jihadistes qui terrorisent la Libye,
la Syrie, l’Irak et maintenant l’Europe. Pour rappel : l’Arabie saoudite
est un pays pratiquant la peine de mort. Selon The Death Penalty Worldwide,
il y a eu en Arabie Saoudite 26 ou 27 exécutions en 2010, au moins 82
en 2011, au moins 76 au 2012, au moins 79 en 2013, au moins 90 en 2014
et au moins 153 exécutions en 2015. Et en 2016, il y a eu au moins 134
exécutions. Les motifs étaient : l’homicide, la sorcellerie, l’adultère,
l’homosexualité et le renoncement à l’islam.
En septembre 2016, François Hollande s’est dit « très honoré » de recevoir un prix des mains d’Henry Kissinger. Par ailleurs, François Hollande déclara
« Docteur Kissinger, adolescent je suivais vos initiatives pour la paix
au Viêt Nam ». Il est absolument sidérant que le président d’un
gouvernement dit « socialiste » accepte de recevoir un prix d’un
criminel de guerre avéré, et qu’ensuite il puisse tenir de tels propos.
Rappelons qu’en pleine guerre du Viêt Nam, Henry Kissinger fut secrétaire d’État (ministre des affaires étrangères) du gouvernement républicain de Richard Nixon. Selon le CACCF américain
(Combined Action Combat Casualty Filel) l’intervention américaine en
Asie du Sud-Est a causé des millions de morts. A la question : « Le
Tribunal Khmer Rouge maintient plusieurs dirigeants Khmer Rouge en
détention. Un procès sous l’autorité des Nations Unies était-elle la
meilleure solution, ou était-il au contraire préférable de laisser faire
les Cambodgiens ? » En substance Noam Chomsky répondit « Après
tout si c’est un procès international pourquoi ne pas prendre en compte
Henry Kissinger, et les autres responsables des bombardements
américains, ou ceux qui ont soutenu les KR bien après leur défaite.
C’est une farce, d’autant plus que nous en savons désormais plus sur le
bombardement du Cambodge, les enregistrements Kissinger-Nixon ont été
rendu publics ainsi que bien d’autres documents qui ont déclassés sous
le mandat Clinton ». Par ailleurs, le coup d’état le 11 septembre 1973 qui renversa le président socialiste démocratiquement élu Salvador Allende fut fomenté par la CIA, Kissinger et Nixon.
Requiem pour un néocon
On peut donc conclure que la France
« OTANisée » de François Hollande est plus encline à honorer des
criminels internationaux qu’un intellectuel socialiste libertaire comme
Noam Chomsky. Aussi cette dernière pleutrerie sera à la fois le point
d’orgue et le son du glas de la gouvernance Hollande. Le choix des mots
n’est jamais anodin. Bruno Le Roux le président du groupe socialiste à
l’Assemblée nationale a confié au Huffington Post. « On
a finalement décidé d’annuler la rencontre avec le groupe socialiste,
compte tenu de certaines déclarations polémiques que Noam Chomsky a
tenues, notamment sur Ben Laden”, nous explique-t-on. Il est vrai que
l’homme a versé ces dernières années vers le complotisme ou a pris la
défense de négationnistes au nom de la liberté d’expression ». Rappelons simplement que le terme « complotisme » fut détourné par les théoriciens néoconservateurs et islamophobes tels que Daniel Pipes.
Quant à la défense de la liberté d’expression de négationnistes,
évidemment cette dernière question se discute. Mais il est clair par
contre que le groupe socialiste est bien mal placé pour faire la morale à
qui que ce soit alors que nous savons parfaitement que le gouvernement
français a noué des liens étroits avec le nouveau pouvoir ukrainien, qui
lui utilise sans la moindre retenue des structures paramilitaires ouvertement antisémites pour asseoir son pouvoir par la force et l’intimidation.
Souvenez-vous du slogan « Le changement, c’est maintenant ! »
proféré pendant la campagne électorale de François Hollande en 2012.
Cinq ans plus tard, nous pouvons constater qu’en plus d’avoir parachevé
le triste bilan de Nicolas Sarkozy en matière de politique étrangère,
François Hollande à totalement droitisé le Parti socialiste sur le plan
économique et social.