Etienne Lefebvre
Le compte à rebours est enclenché. Dans sept semaines, les électeurs de la primaire du Parti socialiste devront trancher entre « deux gauches irréconciliables »,
pour reprendre l'expression de Manuel Valls. Ils devront faire les
choix économiques que la gauche n'a pas su acter pendant sa décennie
d'opposition de 2002 à 2012, faute de travail, et que François Hollande
n'a pas réussi à faire partager durant son quinquennat, faute d'avoir
explicité plus tôt son cap. Au contraire, les divisions se sont
exacerbées entre les soutiens de la politique de compétitivité du chef
de l'Etat, incarnée par son pacte de responsabilité, et les frondeurs
pour qui les baisses de charges seront toujours des « cadeaux »
immérités aux entreprises et l'augmentation des dépenses publiques un
bienfait. Les débats sans fin sur la relance keynésienne et le grand
soir fiscal ont occulté des problématiques montantes - l'impact de la
numérisation et de la robotisation, l'égalité réelle, la croissance
verte, etc. - restées sans réponse. La primaire devrait en théorie être
l'occasion de moderniser enfin le logiciel du PS, d'autant que les
positionnements ne s'annoncent pas purement binaires, un candidat tel
qu'Arnaud Montebourg soutenant à la fois la politique de l'offre et une
rupture avec les règles budgétaires et commerciales de l'Union
européenne. Malheureusement, ce calendrier paraît beaucoup trop court
(et le chef de l'Etat porte là une lourde responsabilité) pour que les
uns et les autres avancent des programmes charpentés et crédibles,
appuyés sur des convictions bien arrêtées, et que l'électorat de gauche
se les approprie avant de faire son choix, à l'instar du long processus
que l'on a pu observer à droite. Les conditions du renoncement du chef
de l'Etat, plombé par son bilan et empêché in fine par le forcing de
Manuel Valls, ne vont pas non plus faciliter un débat serein. Le risque
est grand d'assister à des règlements de comptes (via le « tout sauf
Valls ») au terme d'un quinquennat raté plutôt que de voir les
postulants se projeter sur l'avenir. Une sorte de « primaire congrès »
ravageuse. Un autre écueil ne doit pas être sous-estimé : le choix fait
par Emmanuel Macron de tenter l'aventure élyséenne via son propre
mouvement va faire pencher très à gauche les débats de cette primaire,
au risque d'une surenchère renvoyant le PS loin des réalités de
gouvernement. D'autant qu'avec la candidature du leader d'En marche, les
chances du futur candidat socialiste d'accéder au second tour de la
présidentielle paraissent infimes, incitant les électeurs de la primaire
à choisir davantage un chef de l'opposition plutôt qu'un possible chef
de l'Etat. C'est d'ailleurs le calcul d'Emmanuel Macron, pour qui la
modernisation de la gauche ne peut s'opérer à partir du PS actuel.