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mardi 6 décembre 2016

Le PS face au risque du grand retour en arrière

Etienne Lefebvre


Le compte à rebours est enclenché. Dans sept semaines, les électeurs de la primaire du Parti socialiste devront trancher entre « deux gauches irréconciliables », pour reprendre l'expression de Manuel Valls. Ils devront faire les choix économiques que la gauche n'a pas su acter pendant sa décennie d'opposition de 2002 à 2012, faute de travail, et que François Hollande n'a pas réussi à faire partager durant son quinquennat, faute d'avoir explicité plus tôt son cap. Au contraire, les divisions se sont exacerbées entre les soutiens de la politique de compétitivité du chef de l'Etat, incarnée par son pacte de responsabilité, et les frondeurs pour qui les baisses de charges seront toujours des « cadeaux » immérités aux entreprises et l'augmentation des dépenses publiques un bienfait. Les débats sans fin sur la relance keynésienne et le grand soir fiscal ont occulté des problématiques montantes - l'impact de la numérisation et de la robotisation, l'égalité réelle, la croissance verte, etc. - restées sans réponse. La primaire devrait en théorie être l'occasion de moderniser enfin le logiciel du PS, d'autant que les positionnements ne s'annoncent pas purement binaires, un candidat tel qu'Arnaud Montebourg soutenant à la fois la politique de l'offre et une rupture avec les règles budgétaires et commerciales de l'Union européenne. Malheureusement, ce calendrier paraît beaucoup trop court (et le chef de l'Etat porte là une lourde responsabilité) pour que les uns et les autres avancent des programmes charpentés et crédibles, appuyés sur des convictions bien arrêtées, et que l'électorat de gauche se les approprie avant de faire son choix, à l'instar du long processus que l'on a pu observer à droite. Les conditions du renoncement du chef de l'Etat, plombé par son bilan et empêché in fine par le forcing de Manuel Valls, ne vont pas non plus faciliter un débat serein. Le risque est grand d'assister à des règlements de comptes (via le « tout sauf Valls ») au terme d'un quinquennat raté plutôt que de voir les postulants se projeter sur l'avenir. Une sorte de « primaire congrès » ravageuse. Un autre écueil ne doit pas être sous-estimé : le choix fait par Emmanuel Macron de tenter l'aventure élyséenne via son propre mouvement va faire pencher très à gauche les débats de cette primaire, au risque d'une surenchère renvoyant le PS loin des réalités de gouvernement. D'autant qu'avec la candidature du leader d'En marche, les chances du futur candidat socialiste d'accéder au second tour de la présidentielle paraissent infimes, incitant les électeurs de la primaire à choisir davantage un chef de l'opposition plutôt qu'un possible chef de l'Etat. C'est d'ailleurs le calcul d'Emmanuel Macron, pour qui la modernisation de la gauche ne peut s'opérer à partir du PS actuel.