Les cours de l’or noir se sont envolés de plus de 8 % en séance mercredi. Hors du cartel, Moscou a aussi pris des engagements pour 2017.
Le fiasco que certains redoutaient n'a pas eu lieu. Malgré leurs divergences, les 14 pays membres de l'Opep se sont entendus
sur la manière de restreindre leur production à 32,5 millions de
barils par jour (Mb/j), dans le bas de la fourchette annoncée à Alger en
septembre. C'est la première fois depuis huit ans que l'organisation
parvient à un accord de réduction pour soutenir les cours. « C'est
un accord historique, qui va certainement aider à rééquilibrer le marché
et à réduire la surabondance des stocks de pétrole », s'est réjoui Mohammed Saleh al-Sada, le ministre qatari de l'Energie, qui préside la conférence de l'Opep.
Alors
que plusieurs tentatives se sont soldées par des échecs depuis mi-2014,
l'intérêt commun de consentir des sacrifices, ainsi que l'engagement de
la Russie de participer à l'effort, ont fini par avoir raison des
divergences entre les principaux pays membres, l'Arabie saoudite, l'Iran
et l'Irak. « Cela devrait constituer une piqûre de rappel aux sceptiques qui ont plaidé la mort de l'Opep »,
a souligné Amrita Sen, analyste chez Energy Aspects. Les marchés ont
salué l'annonce de façon spectaculaire : le baril de brent a gagné 8 %
dans la journée de mercredi, à 50,10 dollars, tandis que le WTI, à New
York, remontait à 49,30 dollars (+9 %). Jeudi matin le baril continue de
progresser autour de 0,5 %.
Six mois, reconductibles
Sur
le papier, l'effort consenti n'est pas négligeable : il représente
selon l'organisation un recul de 1,2 Mb/j. Il prendra effet le 1er janvier 2017 et sera valable six mois, reconductibles. L'accord marque un assouplissement notable de la position de l 'Arabie saoudite à l'égard de l'Iran
. Alors que le royaume wahhabite a lui-même accepté de réduire sa
propre production de 10,5 à 10 Mb/j, il a aussi consenti à ce que celle
de l'Iran soit portée à 3,8 Mb/j. Ce qui correspond à un gel, voire une
légère réduction par rapport au niveau affiché par Téhéran, mais à une
hausse comparée aux estimations de sources dites secondaires (AIE,
Opep), qui tablent plutôt sur 3,6 ou 3,7 Mb/j. Une victoire pour
Téhéran, qui, soumis à plusieurs années d'un embargo levé début 2016,
souhaitait pouvoir revenir a minima à son niveau pré-sanctions.
L'Irak, qui
avait un temps demandé à être exempté de plafond en raison de la guerre
contre l'Etat islamique, a finalement accepté de réduire sa production
de 210.000 b/j, à 4,3 Mb/j, tandis que les Emirats arabes unis, le
Koweit et le Qatar réduiront la leur de 300.000 b/j cumulés. Le solde
sera réparti entre les autres membres.
Par
ailleurs, alors que Riyad avait conditionné un accord à la
participation de pays non-Opep, Mohammed Saleh al-Sada a indiqué que
Moscou avait accepté de réduire sa production de 300.000 b/j, sur un
total de 600.000 b/j espéré de la part des non-membres. D'autres pays
comme le Kazakhstan ou l'Azerbaïdjan pourraient participer. Moscou a
confirmé cette annonce dans la foulée, précisant toutefois que la
réduction serait progressive au cours du premier semestre 2017. Une
réunion se tiendra le 9 décembre avec les non-Opep, à Doha.
Si les marchés ont vivement réagi, les experts restent plus circonspects. « Les Saoudiens ont l'air déterminés à faire respecter l'accord, qui pourrait faire grimper le baril jusqu'à 55 dollars, note Alexandre Andlauer, analyste chez Alphavalue, qui était à Vienne en début de semaine. Je
suis en revanche plus sceptique sur la partie non-Opep. Au final je
vois les cours rester dans une fourchette de 50-55 dollars ». De son côté, Gareth Lewis-Davies, chez BNP Paribas rappelle que «
le diable est dans les détails : il y a encore des incertitudes sur le
niveau de production de l'Iran, sur la contribution des pays non Opep,
sur la façon dont le deal sera appliqué », dit-il, soulignant aussi
que la production pourrait grimper dans les pays exemptés, la Libye et
le Nigeria, ou aux Etats-Unis. « Les prix pourraient bien retomber », conclut-il. Un accord a été annoncé, mais l'histoire n'est pas encore tout à fait terminée.
Anne Feitz