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mardi 6 décembre 2016

Santé : le programme de François Fillon n’est pas libéral !

Non, le programme de François Fillon ne va pas casser le modèle social français : il ne détruit pas la Sécu et il n’est pas non plus libéral.

 Patrick de Casanove

Comme tous les politiciens français, François Fillon dit être « extrêmement attaché à la Sécu » et vouloir « Sauver notre Sécurité sociale ». Or il est accusé d’être ultra libéral et de vouloir « casser la Sécu ». Regardons son programme.

Le programme de François Fillon

  • « Restreindre le champ d’action de la Sécurité sociale aux affections graves et de longue durée »
Il ne fait que prendre acte de ce qui se passe déjà sournoisement. La pénurie règne dans le système de soins français. Les déserts médicaux n’en sont que la partie la plus médiatisée. Depuis bien longtemps la Sécu doit rationner pour gérer cette pénurie. Elle se concentre sur le (de plus en plus) « gros risque » et abandonne le (de moins en moins) « petit risque » aux mutuelles. Elle le fait au travers des déremboursements et des secteurs entiers de la santé qu’elle abandonne (optique, soins dentaires, appareillages auditifs). Contrairement à ce qui est espéré, cette mesure ne mettrait pas fin aux doublons. Pour être bien couvert, il faudrait toujours la Sécu et une mutuelle.
  • Définir un « panier de soins »
Cela concerne un panier de soins que la Sécu prendrait en charge. C’est la conséquence de la proposition précédente. Plusieurs politiciens en parlent, tous veulent le réserver à la Sécu, préservant ainsi son monopole. L’État décide seul ce que la Sécu couvre. Beaucoup de pays ont mis en place ce panier de soins. Il est toujours accessible sans conditions.
  • Mettre en place « une franchise médicale universelle, en fonction des revenus »
Elle remplacerait les actuelles franchises. Là encore plusieurs pays ont une franchise unique. L’assurance santé n’intervenant qu’au-delà. Elle n’y est pas proportionnelle aux revenus. Ceci est une concession à la « justice sociale » à la française et à la « malédiction égalitaire » qui frappe notre pays.
  • Établir « un régime spécial de couverture accrue »
Il s’agit là de répondre par anticipation à la critique convenue qui voudrait qu’en cas de système de libre choix, seuls les plus riches pourraient accéder aux meilleurs soins. Qui voudrait aussi que les plus pauvres soient incapables de s’assurer. Le terme accrue convient à ce qui est déjà en vigueur dans notre pays où, souvent, ceux qui ne cotisent pas sont mieux couverts que ceux qui cotisent.
  • Créer « une agence chargée de réguler les contrats de complémentaires santé »
Éternelle tentation de la régulation étatique ! Il n’existe pas de pays où, quand il y a une liberté de choix du prestataire, l’État n’intervienne pas. Quelques exemples : en Suisse comme aux Pays-Bas ou en Allemagne il y a obligation de s’assurer pour l’individu et contracter pour l’assureur. Pour éviter une « chasse aux bons risques » de la part des assureurs, il existe des fonds de péréquations. En Australie, le Fonds de santé d’État Medibank a été créé pour entrer en compétition avec les Fonds de santé privés à but lucratif et faire baisser les primes.

Dans le cas qui nous occupe, cette agence étatique interviendrait sur la partie de la couverture soumise au choix, c’est-à-dire la part des mutuelles. Reste à savoir comment.
  • Mettre « fin à la généralisation du tiers payant » qui donne le sentiment au patient que la médecine est gratuite et qui conduit à des abus
Le Tiers payant généralisé n’est pas une demande de la plupart des patients. Quant aux médecins, l’immense majorité d’entre eux le rejette essentiellement parce qu’il entraîne un surcoût et un surcroît de travail administratif. Cerise sur le gâteau, il ne résout en rien les problèmes d’accès aux soins.
  • « Remettre les médecins libéraux au cœur du système de soin »
Cette promesse n’est là que pour endormir la méfiance des médecins dits « libéraux ». Cette incantation utilisée depuis des décennies a toujours été le préambule à des actes hostiles à la médecine libérale. C’est une rengaine que ne vont croire que ceux qui pensent qu’il y a encore une médecine libérale en France.
  • Développer « l’hospitalisation à domicile et les soins en ambulatoire »
C’est aussi une grande antienne que les politiciens ressortent régulièrement et présentent comme une solution miracle pour réduire les coûts et « sauver la Sécu ». Dans la pratique elle conduit à donner la part belle au public et réduire la part du  privé, en contradiction avec le point précédent. Étendre l’hôpital dans la ville est déjà ce que prévoit l’actuelle Loi Santé.
  • Mettre en place des « incitations pour les médecins généralistes à l’installation dans les déserts médicaux »
C’est la poursuite de la politique de la carotte déjà en place, sans le bâton. Les politiciens ne conçoivent que des incitations financières et matérielles. Les véritables incitations sont aussi de bonnes conditions de vie en famille, incluant ce à quoi tout le monde pense : les écoles, les services publics, mais aussi les commerces et les loisirs. (Se reporter en fin d’article). Or ces incitations n’existent plus dans plusieurs territoires parce que le problème de base est le désert, c’est-à-dire ces territoires peu peuplés abandonnés par les services de l’État. Cela dit le désert touche aussi Paris mais pour d’autres raisons.
  • Instaurer « les 39 heures à l’hôpital »
Il n’est un secret pour personne que si les 35 heures ont été néfastes à l’économie du pays, les plus gros dégâts ont eu lieu dans la Fonction publique hospitalière. Reste à faire avaler la mesure !
  • « Imposer l’équilibre des comptes de l’assurance maladie »
Cette mesure relève de l’incantation dans le plus pur style de la politique volontariste. L’équilibre des comptes de la Sécu est un serpent de mer. Le déséquilibre est structurel, lié au fait que la Sécu est une pyramide de Ponzi légale. Les sommes qui rentrent sont immédiatement dépensées, il n’y a aucune trésorerie. « Imposer » n’est ici, comme souvent, qu’un mot vide de sens dont l’État s’affranchit sans état d’âme. Il suffit de regarder les fameux « critères de Maastricht ». « Imposer » l’équilibre ne changera rien parce que ce système intrinsèquement déséquilibré n’est pas abandonné.

Que serait une protection sociale libérale ?

Les deux premiers points sont indispensables à la réussite d’une vraie réforme pour remettre la France sur les rails. Ils pourraient faire accepter aux Français la mise à plat de leur Sécu qui donnerait à la France une protection sociale juste, pérenne et performante.
  • Le salaire complet
L’intégralité du chiffre d’affaires moins les frais nécessaires à l’exercice de la profession pour les non-salariés.
  • L’impôt proportionnel et minimum
Un seul impôt, sur les personnes, remplacerait tous les impôts et taxes.
  • La retraite par capitalisation en libre choix
Il faudrait la création d’un compte épargne retraite, transmissible, récupérable.
  • Le compte épargne santé
Lui aussi transmissible, récupérable. Couplé à la mesure suivante.
  • Les assurances santé en libre choix
Concurrence, meilleur rapport qualité prix, péréquations entre petits et gros risques.
  • Le panier de soins
Par exemple ce que prend en charge la Sécu aujourd’hui, pas de sélection à l’entrée et soumis à la concurrence. Il peut être proposé par n’importe quelle assurance. Il est affecté à la personne qui peut choisir son prestataire.
  • Le filet de sécurité pour les plus démunis
Chèque santé, retraite, éducation, aide à la personne, il remplacerait toutes les aides. Un pauvre sait choisir. Il y a un accord universel autour du fait que personne ne doit renoncer à un soin ou à des chances de guérison uniquement parce qu’il ne pourrait pas en supporter lui-même les frais.
  • Liberté des prix et des services
Sans liberté des prix, on se prive d’informations fiables ce qui est source de gaspillage et de mauvais investissements, d’où pénurie et déserts médicaux… Sans liberté des services, on se prive de la concurrence qui est le libre choix du consommateur, le meilleur service au meilleur prix et qui incite à l’amélioration pour le producteur. En bref, laisser les médecins travailler librement est une vraie incitation.

Conclusion : le programme de François Fillon n’est pas libéral

La comparaison des deux programmes permet d’affirmer que l’attachement de François Fillon à la Sécu n’est pas qu’une clause de style indispensable pour pouvoir être considéré comme sérieux.
En vérité il ne « désétatise » rien du tout. Ce ne sont que des mesures paramétriques. Le monopole obligatoire et les faux délits qu’il engendre persistent. Le système répressif persiste. Tout au plus le capitalisme de connivence est-il renforcé.

Il est temps de rassurer les étatistes de tout bord : le programme de François Fillon sur la santé ne casse pas le prétendu modèle social français, ne détruit pas la Sécu, n’est pas libéral, n’est pas l’américanisation de notre protection sociale. C’est encore et toujours de l’étatisme.

La sauvegarde du « modèle social français » prime sur une meilleure prise en charge des Français. La protection sociale à la française issue des ordonnances de 45 reste un système intouchable et sacré. Sa remise en question est un tabou. La Sécurité sociale à la française a encore de beaux jours devant elle.

Pour compléter vous pouvez découvrir la définition que Frédéric Bastiat donnait du socialisme et ce qu’il prédisait en matière de protection sociale.

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