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mardi 13 décembre 2016

10 ans pour Luc Fournié : pourquoi un jury populaire a-t-il été aussi sévère ?


Une idée reçue dans le milieu judiciaire veut que les jurés de cours d’assises soient beaucoup plus sévères que les magistrats professionnels, sauf lorsqu’il s’agit d’affaires auxquelles ils pourraient un jour être confrontés eux-mêmes. Ainsi, ils se montreront impitoyables envers les violeurs d’enfants et indulgents envers les accusés d’euthanasie ou les meurtriers de cambrioleurs. Une idée reçue est faite pour être contredite, et la cour d’assises de Haute-Garonne l’a démontré le 9 décembre dernier.

Elle jugeait en appel Luc Fournié, dont nous parlions dans ces colonnes le 2 avril 2015 pour relater son premier procès : le buraliste de Lavaur (Tarn) comparaissait pour le meurtre de Jonathan, un garçon de 17 ans qui s’était introduit de nuit dans son bar-tabac en 2009. Un cambriolage qui s’est terminé par un drame. Luc Fournié, qui avait découvert quatre jours auparavant un barreau de fenêtre scié, s’attendait à la visite des cambrioleurs. Il avait alors prévenu la gendarmerie, puis s’était préparé à défendre son commerce. Avec un fusil de chasse dont il s’est servi dans le noir. Bilan : un mort.

En première instance, l’avocat général, sans jamais prononcer le mot, avait évoqué la légitime défense. En vain, puisque Luc Fournié avait été condamné à 7 ans de prison. 

En appel, son collègue Jean-Marc Chazottes s’est montré beaucoup plus dur en excluant la légitime défense, et en requérant 5 ans de prison. C’est finalement à 10 ans que les jurés ont condamné Fournié, et c’est une peine très lourde pour une personne qui, on l’a déjà souligné, a agi sous l’emprise de la peur, ne sachant pas en face de qui il risquait de se retrouver. Et qui a décidé de défendre lui-même son commerce, convaincu – à juste titre, hélas – que les gendarmes ne pourraient pas intervenir en temps utile.
 La justice se montre particulièrement stricte sur les conditions d’application de la légitime défense, dont on rappellera qu’elle est exonératoire de responsabilité pénale lorsqu’elle est rendue nécessaire par un péril imminent pour les personnes et que les moyens employés sont strictement proportionnés à la menace. Et la légitime défense est présumée lorsqu’elle est utilisée pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité.

Sans connaître le dossier, il est évidemment impossible de savoir si Luc Fournié se trouvait dans ce cas. Ce qui est intéressant est de comprendre pourquoi les jurés se sont montrés si sévères, alors que la perception de l’insécurité monte dans la population. Peut-être l’accusé s’est-il montré sous un jour spécialement déplaisant, à moins que la personnalité de la victime n’ait touché le jury. Mais ne s’agit-il pas plutôt d’une forme d’autocensure ? Les jurés qui, comme citoyens ordinaires, auraient tendance à être sensibles à ce genre de justification auraient-ils dissimulé leur véritable conviction ? La chose s’est souvent vue dans l’Histoire, notamment aux heures sombres de la Révolution.

Quant aux magistrats, ils n’ont jamais été réputés – hormis pendant quelques décennies au XVIIIe siècle – pour leur indépendance face au pouvoir et aux modernes injonctions du politiquement correct.
Une chose est certaine : l’incapacité des forces de l’ordre à assurer la sécurité du territoire va entraîner d’autres drames de ce genre. Parce que les Français ne se laisseront pas tirer comme des lapins. Lorsque l’État disparaît, la justice privée prend sa place. Toute notre Histoire le montre, mais nos dirigeants ne la connaissent plus…

 François Teutsch

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