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mardi 13 décembre 2016

Comment Marine Le Pen a évolué sur l'avortement




• 2002: «Vous nous voyez traduisant les femmes qui auraient avorté devant des tribunaux?»

 Dès 2002, la fille de Jean-Marie Le Pen prenait ses distances avec la ligne officielle du parti d'extrême droite qui prévoyait l'abrogation des lois pro-IVG. «L'avortement, mettant en cause un tiers, l'enfant à naître, ne peut être tenu pour légitime ; quant à la Nation, elle doit pourvoir à sa continuité dans le temps. Allant donc contre le Bien commun de notre pays, les lois sur l'IVG seront abrogées», précisait le programme de 2002 Pour un avenir Français. Marine Le Pen s'y disait déjà opposée: «Vous nous voyez traduisant les femmes qui auraient avorté devant des tribunaux?», disait-elle à une journaliste du Figaro venue la suivre à Lens en campagne en 2002. Elle avait alors suscité l'ire de la frange traditionaliste du parti. Dans une interview au quotidien d'extrême droite Présent, le chef de file des catholiques du FN Bernard Antony déplorait alors que Marine Le Pen ne souscrive pas aux «positions très claires et très fermes aussi bien de Jean-Marie Le Pen que du programme de gouvernement du Front national». 


• 2006: «J'ai dit qu'il fallait tout mettre en œuvre pour réduire au maximum le nombre des avortements»


Dans son autobiographie À contre-flots , publiée en 2006, Marine Le Pen précise sa position sur l'IVG. À la page 192-193, elle écrit: «L'avortement est un drame, la très grande majorité des femmes le sait. C'est un drame personnel, loin d'être l'acte anodin que l'État a prétendu en faire depuis 30 ans. (…) On m'a tant de fois posé la question:  ‘Êtes-vous pour l'avortement?', et j'ai maintes fois répondu: ‘Qui est pour l'avortement?'» Tout en réitérant son opposition à toute abrogation de la loi Veil, elle estime cependant qu'il faudrait réduire le nombre d'IVG. «J'ai dit qu'il fallait tout mettre en œuvre pour réduire au maximum le nombre des avortements et qu'il m'apparaissait inefficace et cruel de le faire par des mesures coercitives, ce à quoi tendrait la suppression autoritaire de la loi Veil. Je pense que c'est par des mesures incitatives, évidemment doublées d'une vraie politique d'information et de prévention auprès des adolescentes, qu'il faut lutter contre l'avortement».


• 2012: «Oui au droit à l'avortement, non à celles qui en abusent»


En mars 2012, en pleine campagne pour l'élection présidentielle, Marine Le Pen avait estimé sur France 2 que les «avortements de confort» semblaient «se multiplier». Elle s'appuyait sur un article du Figaro dans lequel le Dr Grégoire Moutel, responsable du laboratoire d'éthique médicale de l'université Paris-Descartes, affirmait: «À l'origine, les indications d'un avortement impliquaient une détresse matérielle ou psychologique de la femme, elles sont aujourd'hui plus de l'ordre du confort, ce qui n'est pas dans l'esprit de la loi.»
Confrontée à la polémique, la présidente du Front national s'était défendue lors du forum ELLE-Présidentielle organisé à Sciences Po en avril 2012. «Je suis attachée à ce droit, je l'ai dit. Alors que dans le mouvement que je préside, il y a beaucoup de personnalités et d'adhérents qui sont résolument contre. J'ai été très claire dans la compétition interne que j'ai menée avant mon élection: je ne suis pas pour remettre en cause l'avortement.» Elle ajoutait: «Mais je dis qu'il y a des dérives et des abus(…) ce sont les femmes qui utilisent l'avortement comme un moyen de contraception.» «Ça existe, pourquoi se cacher cette réalité?», martelait-elle sous les huées du public. «Oui, je le crois, je le dis, je le répète. (...) L'avortement est un acte traumatisant, j'aimerais bien qu'on le rappelle un peu plus souvent, et qu'on arrête de penser que c'est un acte anodin.» Elle envisageait même une restriction du remboursement de l'avortement: «Avorter trois ou quatre fois de suite ne doit pas peser en termes financiers sur la communauté nationale, au moment où un Français sur trois ne se soigne pas correctement». «Oui au droit à l'avortement, non à celles qui en abusent», concluait-elle.

En 2012, le programme du Front national prévoyait d'ailleurs un volet sur ce thème: «Le libre choix pour les femmes doit pouvoir être aussi celui de ne pas avorter: une meilleure prévention et information sont indispensables, une responsabilisation des parents est nécessaire, la possibilité d'adoption prénatale doit être proposée, une amélioration des prestations familiales pour les familles nombreuses doit être instaurée».


• 2016: «Un sujet lunaire»


Dans une interview au JDD, Marion Maréchal Le Pen, accusée par le vice-président du Front national Florian Philippot d'être «isolée et minoritaire» au sein du FN pour sa position sur l'IVG, rappelait que «cette position était défendue en 2012 par Marine Le Pen, à l'époque avec beaucoup d'énergie et de talent».

Lors du Grand Jury RTL-Le Figaro ce dimanche, la présidente du FN lui a répondu que cette position de l'époque était une stratégie politique: «En 2012, j'ai évoqué ce sujet pendant la présidentielle comme une forme de concession en réalité à ceux qui avaient fait le choix de Bruno Gollnisch. (...) Aujourd'hui, ce débat-là [sur l'avortement] est tranché. Je n'ai pas de concession à faire, ou plus car, entre-temps, j'ai été élue à 100 %, en 2014, à la tête du Front national.»

Marine Le Pen estime désormais que ses électeurs «seront sévères si on tombe dans des bisbilles, sur des sujets en plus qui leur apparaissent, au regard de tout ce que je viens de dire, lunaires». Dans le projet officiel mis en ligne sur le site Internet du parti (qui n'est pas le programme définitif de 2017), il n'y a pour le moment rien sur le sujet.

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