Ce lundi se tenait, place Beauvau, la
troisième session de « l’instance de dialogue avec l’islam » que le
ci-devant ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait créée avec
Manuel Valls, le 15 juin 2015. Parmi les dossiers à l’ordre du jour,
celui sur le financement de l’islam en France.
Observons brièvement, à titre liminaire, que cette question se pose avec une acuité particulière en islam, dans la mesure où, précisément, le rapport des mahométans avec l’argent se conçoit différemment dans les autres religions du Livre. Pour nous en tenir au catholicisme, la Tradition de l’Église procède de Thomas d’Aquin distinguant, dans sa Somme théologique, la propriété d’un bien et l’usage de ce bien. Dans Rerum novarum, réquisitoire antisocialiste s’il en fut, Léon XIII enfonce le clou : « Sous ce rapport [celui de la possession légitime d’un bien], l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facilement aux autres dans leurs nécessités. »
En d’autres termes, l’argent n’est pas une fin en soi et s’enchâsse dans une téléologie précise qui répond, en même temps, à la définition du bien commun : l’épanouissement collectif et individuel. Dans sa constitution pastorale, Gaudium et Spes (« joie et espoir »), promulguée par Paul VI à l’issue du concile de Vatican II, il est fermement rappelé que l’unité d’évaluation du bien commun est l’homme, animal social aristotélicien par excellence : « Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société » (63, 1).
On le voit : contrairement à une opinion répandue, l’argent n’est pas un sujet tabou chez les catholiques, pour peu qu’on le considère sous sa dimension à la fois holiste et altruiste.
De ce point de vue, la relation islamique à l’argent paraît plus ambivalente dans la mesure où il sert moins à l’épanouissement direct de l’Oumma (la communauté de croyants, seule nation qui tienne aux yeux de tout musulman) qu’à l’accomplissement individuel de la seule volonté d’Allah. Si le Coran proscrit l’usure (à l’instar des deux autres religions monothéistes) et érige l’aumône (la zakat, un des cinq piliers de l’islam) en obligation imprescriptible (« Dieu exterminera l’usure et fera germer l’aumône », II, 277), l’argent n’est pas ordonné autour d’une conception morale et théologique unitaire qui en fixerait le « mode d’emploi » dans tout le monde musulman. Ainsi, par exemple, « faute de clergé dans l’islam sunnite, il existe une “concurrence pour la collecte de la zakat”, explique Jérôme Bellion-Jourdan, docteur en sciences politiques, spécialiste des organisations caritatives islamiques » (Boris Thiolay et Besma Lahouri, « L’argent de l’islam », L’Express, 21 novembre 2002).
Or, si le financement de l’islam suscite autant d’interrogations et
d’inquiétudes, c’est bien à cause des colossales levées de fonds opérées
auprès des fidèles mais encore par le biais d’un véritable capitalisme
islamique organisé (banques coraniques, dons divers, etc.) ou informel
(trafics en tous genres, caïdats des banlieues, etc.). Au surplus, aux
dires de Hakim El Karoui, auteur d’Un islam français est possible, publié par l’Institut Montaigne, « la
très grande majorité de l’argent qui circule bénéficie à des
investisseurs privés, ceux qui contrôlent le monde du halal. Quant aux
dons des fidèles, leur collecte et leur usage manquent de transparence » (Le Figaro, 11 décembre).Observons brièvement, à titre liminaire, que cette question se pose avec une acuité particulière en islam, dans la mesure où, précisément, le rapport des mahométans avec l’argent se conçoit différemment dans les autres religions du Livre. Pour nous en tenir au catholicisme, la Tradition de l’Église procède de Thomas d’Aquin distinguant, dans sa Somme théologique, la propriété d’un bien et l’usage de ce bien. Dans Rerum novarum, réquisitoire antisocialiste s’il en fut, Léon XIII enfonce le clou : « Sous ce rapport [celui de la possession légitime d’un bien], l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facilement aux autres dans leurs nécessités. »
En d’autres termes, l’argent n’est pas une fin en soi et s’enchâsse dans une téléologie précise qui répond, en même temps, à la définition du bien commun : l’épanouissement collectif et individuel. Dans sa constitution pastorale, Gaudium et Spes (« joie et espoir »), promulguée par Paul VI à l’issue du concile de Vatican II, il est fermement rappelé que l’unité d’évaluation du bien commun est l’homme, animal social aristotélicien par excellence : « Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société » (63, 1).
On le voit : contrairement à une opinion répandue, l’argent n’est pas un sujet tabou chez les catholiques, pour peu qu’on le considère sous sa dimension à la fois holiste et altruiste.
De ce point de vue, la relation islamique à l’argent paraît plus ambivalente dans la mesure où il sert moins à l’épanouissement direct de l’Oumma (la communauté de croyants, seule nation qui tienne aux yeux de tout musulman) qu’à l’accomplissement individuel de la seule volonté d’Allah. Si le Coran proscrit l’usure (à l’instar des deux autres religions monothéistes) et érige l’aumône (la zakat, un des cinq piliers de l’islam) en obligation imprescriptible (« Dieu exterminera l’usure et fera germer l’aumône », II, 277), l’argent n’est pas ordonné autour d’une conception morale et théologique unitaire qui en fixerait le « mode d’emploi » dans tout le monde musulman. Ainsi, par exemple, « faute de clergé dans l’islam sunnite, il existe une “concurrence pour la collecte de la zakat”, explique Jérôme Bellion-Jourdan, docteur en sciences politiques, spécialiste des organisations caritatives islamiques » (Boris Thiolay et Besma Lahouri, « L’argent de l’islam », L’Express, 21 novembre 2002).
Il existe donc une réelle et problématique dynamique du nerf de la guerre islamique qu’une suppression des financements publics (baux emphytéotiques) conjuguée à une interdiction officielle des financements étrangers contribuerait à enrayer. Le flou comme la pusillanimité en ce domaine font le jeu de « l’islamo-business, vivier du terrorisme », pour reprendre l’intitulé du dernier essai (recensé dans ces colonnes) de Jean-Paul Gourévitch.
Aristide Leucate
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