C'est ce jeudi qu'entre en vigueur l'une des mesures les plus contestées de la loi Travail: la redéfinition des motifs de licenciement économique. Objectif affiché: "sécuriser" l'employeur face au juge. Mais avocats et salariés s'inquiètent.
Une véritable catastrophe pour les salariés? C'est ainsi que plusieurs juristes avaient accueilli la première version de la loi Travail et son très controversé volet sur les licenciements économiques. Et c'est ce jeudi qu'il entre en vigueur.Le licenciement économique facilité
A compter du 1er décembre, deux nouveaux motifs économiques jusqu'ici reconnus par la jurisprudence feront leur entrée dans le code du travail: la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d'activité.
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Par ailleurs, les difficultés liées à une baisse "significative des commandes ou du chiffre d'affaires" par rapport à la même période de l'année précédente sont précisées et différenciées selon la taille des entreprises. Celles de moins de moins de 11 salariés pourront procéder au licenciement économique si elles connaissent au moins un trimestre de baisse "significative des commandes ou du chiffre d'affaires". Pour les moins de 50 salariés, ce sera deux trimestres. Pour celles de 50 à 299, trois trimestres et enfin quatre trimestres pour celles de 300 salariés et plus.
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Objectif affiché du texte: "sécuriser" ces licenciements face au juge prud'homal, qui peut condamner une entreprise à des dommages et intérêts s'il estime la rupture du contrat de travail "sans cause réelle et sérieuse". Et limiter ainsi, selon le gouvernement, la "peur" de licencier, - donc la peur d'embaucher -, pour in fine favoriser l'emploi en CDI.
Satisfecit des petits patrons
Un nouveau mécanisme salué par les petits patrons. "Il y aura désormais un élément incontestable par le juge qui va pouvoir sécuriser l'éventuel licenciement", estime Jean-Michel Pottier, en charge des affaires sociales à la CGPME. Il existe selon lui "une vraie peur du juge, parce qu'une petite boîte qui est mal à l'aise avec des systèmes juridiques complexes peut faire des erreurs de procédure qui lui coûtent des indemnités délirantes".
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De quoi les convaincre de recruter? "Les patrons de TPE-PME cherchent tous les moyens pour ne pas embaucher, par crainte d'être coincés en cas de retournement de conjoncture", souligne le responsable patronal, pour qui toute "dédramatisation de la rupture" est "favorable à l'emploi".
Les grandes entreprises semblent moins enthousiastes. "Les DRH n'attendent pas le doigt sur la gâchette, cette réforme ne fait qu'entériner une jurisprudence déjà sévère", estime de son côté Sylvain Niel, avocat chez Fidal.
Une augmentation des licenciements à prévoir?
Le Medef regrette que le gouvernement ait renoncé à changer le périmètre d'appréciation des difficultés, qui aurait permis, comme ailleurs en Europe, de les évaluer au niveau national et non plus international.
"Tout le malheur du licenciement économique en France vient de la question du périmètre, explique Danièle Chanal, vice-présidente du syndicat d'avocats d'entreprises AvoSial. Demain si une filiale perd 400.000 euros par mois en Auvergne mais qu'au Mexique le groupe est bénéficiaire, il n'aura toujours pas de motif pour la restructurer. Cela va continuer à décourager d'investir en France." L'effet de la loi ne sera pas nul pour autant, nuance toutefois l'avocate. "Il y a clairement des entreprises dont les indicateurs vont "matcher" avec la nouvelle définition et qui attendent décembre pour démarrer leurs plans en se basant sur les nouveaux indicateurs qui n'imposent pas à une entreprise de perdre de l'argent pour licencier. Mais je ne pense pas qu'il va y avoir une explosion des plans." De son côté, la CGPME a affirmé dans un communiqué que ces changements n'entraineraient pas "une vague de licenciements massive". "Dans les TPE/PME, les salariés ne sont pas une variable d'ajustement. Pour un patron de PME, embaucher est un succès, licencier un échec", a justifié l'organisation patronale.
C'est pourtant ce que l'on craint côté salariés. "La loi va naturellement faciliter les licenciements puisqu'elle fixe des cas dans lesquels ils seront "automatiquement" considérés comme justifiés, au regard d'indicateurs comptables sur lesquels de nombreux employeurs peuvent aisément jouer", s'inquiète Judith Krivine, avocate chez Dellien associés.
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"En pré-constituant le motif économique, la loi va contraindre le juge et le contourner. Or seul un travail humain peut permettre de vérifier que les montages d'une entreprise correspondent à de réelles difficultés", abonde Maître Etienne Colin. Il prend pour exemple la baisse du chiffre d'affaires, "dont la jurisprudence a toujours considéré qu'elle ne pouvait à elle seule constituer un motif économique. Ce critère ne veut rien dire en soi, une entreprise d'un secteur très profitable comme l'industrie pharmaceutique peut présenter un chiffre d'affaires inférieur à celui de l'année précédente mais demeurer très riche".
L'avocat prédit une recrudescence des licenciements "surtout dans les petites entreprises qui ont préféré ces dernières années recourir aux ruptures conventionnelles".
Tiphaine Thuillier
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