.

.

mardi 13 décembre 2016

Les illusions dangereuses du clientélisme populiste



La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les illusions dangereuses du clientélisme populiste. 
 
Dans de nombreux pays développés, les partis dits populistes sont aux portes du pouvoir. La notion est vague. Elle s'impose à nous cependant. Il serait d'ailleurs plus approprié de parler de clientélisme populaire. Car il faut bien le constater : à travers l'histoire, de façon récurrente, des mouvements finissent par acheter à coup de promesses, un électorat de plus en plus déboussolé. Leur programme est simple. Il se bâtit en général sur un bon diagnostic des maux du moment. Et l'agrégat des insatisfactions et du désir de changer les règles produit un grand fourre-tout de promesses qui n'a pour semblant d'unité et de cohérence que la personnalité forte, souvent scandaleuse qui l'incarne.

Plusieurs points communs

Ces mouvements ont pour point commun de revendiquer un changement de système, au moment précisément où une part croissante de l'électorat perd espoir de rebondir dans le cadre des règles du jeu établies. Ils ont aussi pour point commun de réaffirmer l'autorité l'État et un recentrage sur la nation menacée ; et d'échauffer des esprits autour de l'idée d'un ennemi extérieur (souvent une puissance hégémonique, ou celle qui conteste votre hégémonie) et intérieur (immigré, ou groupes minoritaires). De Castro à Chavez, de Trump à Berlusconi, de Poutine à Erdogan... Chacun se bâtit un ennemi, une menace qui  renforce la cohésion nationale. Pendant ce temps, les partis traditionnels présentent une facture de plus en plus lourde pour assurer le maintien du système, et leur propre maintien.

 "Nous ou le chaos !"

L'attelage hétéroclite d'idées et d'hommes qui les compose, l'incohérence apparente des propositions, donne des arguments aux partis traditionnels pour faire rempart. Nous ou le chaos. C'est la ligne de défense systématique des partis de la raison. Ils ont tort. Car rares sont les gouvernements populistes qui n'ont pas connu des départs miraculeux et prometteurs sur le plan économique. De Poutine, à Erdogan, en passant par Chavez, chacun a connu son heure de gloire sur le plan économique.
Le grand capharnaüm des programmes, s'il défie les cohérences droite-gauche, mêlant étatisme, protectionnisme, laisser-fairisme, keynésianisme, dumping agressif, redistribution etc. ne les condamne pas pour autant à l'échec. Elle témoigne d'abord d'une volonté de faire feu de tout bois, sans s'encombrer du politically correct.
Le propre de ces mouvements, c'est de changer les règles du jeu, et d'utiliser la puissance de l'État ou parfois du marché pour faire main basse sur une rente. Elle peut-être énergétique. Elle peut être captée par quelques familles, quelques grands groupes stratégiques. Mais le simple fait de faire circuler l'argent autrement, va booster la croissance dans un premier temps. Trump, à sa manière avec sa charge contre les GAFA, qu'il veut persuader de rapatrier les 2.600 milliards de dollars de liquidité bloquées à l'étranger pour payer moins d'impôt, appartient à cette tradition, même si on peut surtout le soupçonner de vouloir d'abord sauver sa propre rente en faisant main basse sur l'État.

Les recettes faciles se propagent, mais après ?

Et le danger des populismes, c'est précisément que ça réussit plutôt dans un premier temps. Prétendre aujourd'hui qu'une dose de protectionnisme, va tuer les économies développées par exemple est faux. Notamment lorsqu'elles jouent perdant avec les émergents. Se persuader que l'économie américaine court à sa perte, parce qu'elle va investir et baisser massivement les impôts est une prophétie plus que douteuse. C'est prendre son souhait pour une réalité. Être dans le déni des contraintes climatiques ou prudentielles, va en revanche lui coûter très cher à terme.
Le problème et le danger c'est après. Lorsque les premières mesures ont épuisé leurs effets. Et que le système se dérègle. Les mécanismes correcteurs, qui jouent habituellement en démocratie. Ceux qui ont permis les tournants de 1981 avec les nationalisations, de 1983 avec la désindexation des salaires, de 1986 avec les privatisations, ou  celui de l'offre en 2013 par exemple, sont très difficiles à produire. L'instrumentation de l'ennemi, de la menace, demeure la source principale de légitimation. Et le populisme a la vie longue, sans mécanisme de correction des erreurs sur le plan économique. Et avec un déni des contraintes ou des difficultés qui pourraient fragiliser leur assise politique immédiate.
***** 
*****