.

.

samedi 3 décembre 2016

Matteo Renzi pris à son tour dans la nasse populiste

Le référendum du dimanche 4 décembre sur les institutions, voulu par Matteo Renzi, risque de se retourner contre le président du Conseil italien. Pour ne pas être victime à son tour de la vague populiste, qui a débouché sur le Brexit et l'élection de Donald Trump, il durcit son discours contre l'Europe.

« Et si j'étais le prochain sur la liste ? » C'est la question que pourrait se poser Matteo Renzi à la veille du référendum constitutionnel, prévu ce dimanche 4 décembre, auquel il a lié son sort politique. Sa crainte est que l'effet domino enclenché par le Brexit et amplifié par la victoire de Donald Trump ne se fasse sentir maintenant en Italie avant de poursuivre sa route l'an prochain en France, voire en Allemagne. 

Matteo Renzi, « l'Américain », avait été l'un des plus fervents partisans d'Hillary Clinton en Europe. Il est en effet secrétaire d'un parti démocrate s'inspirant de son grand frère d'outre-Atlantique jusque dans le nom et admire inconditionnellement Barack Obama au point d'avoir baptisé sa réforme phare du marché du travail « Jobs Act ». Le mois dernier, il revenait d'un voyage triomphal à Washington, reçu en grande pompe à la Maison-Blanche pour le dernier dîner d'Etat d'un président tressant les louanges à ses réformes et lui apportant son soutien dans la bataille référendaire.
Le réveil du Premier ministre de son rêve américain s'avère brutal. Car si l'engagement de Barack Obama à ses côtés n'a eu aucune incidence sur les intentions de vote des Italiens, la victoire de Donald Trump pèse déjà sur la campagne électorale. Ce qui l'inquiète, ce n'est pas tant la force qu'elle procure aux partis populistes, qui voient leurs propositions dédouanées, mais ses propres faiblesses mises en lumière. 

Comme Barack Obama, il pensait pouvoir toucher les dividendes électoraux de bons résultats économiques. L'Italie est en effet sortie de trois ans de récession en renouant avec une timide croissance et la création de plus de 650.000 emplois a fait baisser le chômage qui s'est stabilisé. Mais les statistiques de l'Istat ou du ministère du Travail ne reflètent pas les sentiments de pauvreté accrue ou de déclassement social diffus engendrés par la crise. 76 % des Italiens dénoncent ainsi une explosion des disparités sociales dans un pays où, selon l'OCDE, 1 % des plus riches détiennent 15 % de la richesse nationale. En 2015, le nombre d'Italiens en situation de pauvreté absolue a atteint un niveau record avec plus de 4,5 millions de personnes et 1,5 million de familles (7,6 % de la population) concernées. D'après les derniers chiffres de l'Eurostat, qui présente l'Italie comme l'un des pays du continent où les inégalités sont les plus marquées, 1 mineur sur 3 est en risque de pauvreté absolue et d'exclusion sociale. 

Comme les ouvriers de la Rust Belt américaine, ils sont peu enclins à donner du crédit au storytelling positif et optimiste offert par leurs dirigeants. Les discours vantant les formidables potentialités de la péninsule sont de plus en plus inaudibles. Surtout depuis que les marchés se sont brusquement invités dans la campagne. Inquiets devant la faible performance économique du pays et son endettement colossal (130 % du PIB), tétanisés à l'idée que la chute éventuelle de Renzi ne révèle au grand jour les terribles fragilités du pays, leur méfiance a fait grimper les taux obligataires italiens, remontés depuis la fin août de 1 % à 2,1 %. Dans tous les esprits, l'Italie est redevenue « l'homme malade » de la zone euro. Au point que la BCE, il y a quelques jours, a jugé prudent d'indiquer qu'elle se tenait prête à agir en cas de défaite de Matteo Renzi au référendum. « La majorité silencieuse est avec moi » veut néanmoins croire le Premier ministre. Mais les sondages montrent que ses concitoyens prêtent de plus en plus l'oreille aux minorités disparates et tapageuses unies pour le faire chuter. 1.000 jours au pouvoir ont fait pâlir l'étoile du Rottamatore (Démolisseur) voulant « envoyer la vieille classe dirigeante à la casse ». L'outsider brisant les codes traditionnels de la politique pour détrôner les hiérarques inamovibles de son parti incarne aujourd'hui le chef de file de l'establishment honni. 

C'est ce qu'ont parfaitement compris les différentes oppositions qui dénoncent le camp du « oui » au référendum comme celui du système, avec les soutiens appuyés des organisations patronales, des banques, des grands patrons tels que Sergio Marchionne ou de l'Union européenne. C'est cette dernière que Matteo Renzi a décidé de prendre pour cible en tirant les leçons de « la victoire de Donald Trump contre les élites ». Il a donc placé ses dernières semaines de campagne électorale sous le signe d'un « populisme venant du haut » contre celui du M5S et de la Ligue du Nord revendiquant leur base populaire. Pas une semaine ne passe sans que ne soit dénoncé « l'aveuglement des technocrates bruxellois » et leurs « diktats » ou que ne soit menacée la Commission au nom de la défense des intérêts du pays qui n'a d'ordres à recevoir de personne. Même le drapeau européen a disparu lors des allocutions télévisées de Matteo Renzi, à la grande joie du Front national français qui a salué cette initiative. Quant aux récentes polémiques avec Bruxelles sur les marges de flexibilité à octroyer au budget italien, les deux tiers de l'électorat ont salué la ligne de fermeté adoptée par le président du Conseil. 

Il sait qu'un tiers seulement des Italiens se décidera le 4 décembre prochain après avoir lu le texte de la réforme prévoyant de réduire le nombre de sénateurs et d'en diminuer les pouvoirs. Le choix se fera essentiellement sur des critères d'adhésion ou de rejet envers les personnalités des différents camps qui s'opposent. La campagne se déroule désormais à front renversé. Le « oui » incarnait l'entrée dans la IIIe République et la modernisation du pays. C'est aujourd'hui la victoire du « non » qui représente la nouveauté et le changement en permettant de se débarrasser de Matteo Renzi.
La seule leçon positive que Matteo Renzi tire de la victoire de Trump, c'est que les sondages qui donnent le « non » gagnant sont de moins en moins une science exacte.
Olivier Tosseri
Source