Une étude du Conseil d’analyse économique se penche sur ce phénomène. La démographie et les faibles gains de productivité jouent un rôle clef.
L'année qui va s'ouvrir marquera probablement le ralentissement de la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que la remontée graduelle des taux d'intérêt
outre-Atlantique. Pourtant, les économistes du Conseil d'analyse
économique (CAE), un institut chargé de conseiller Matignon, estiment
que les taux d'intérêt, au moins en Europe, vont rester durablement bas.
Certes, les rendements de la dette française ont commencé à grimper , mais les taux d'intérêt sur les emprunts à 10 ans sont toujours inférieurs à ce qu'ils étaient en janvier dernier.
« Il existe des facteurs de long terme, profonds et structurels, qui vont durablement peser sur les taux d'intérêt », explique Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et co-auteur de la note du CAE . «
La hausse de l'épargne est supérieure aux besoins d'investissements.
D'abord, parce que les gains de productivité sont moins importants, que
la croissance potentielle s'en ressent et que les nouveaux métiers sont
moins consommateurs de capital, par exemple, dans le numérique. Ce type
de secteur, en pleine expansion, n'exige pas de hausse des
investissements aussi élevée qu'avant », souligne l'économiste.
Les ménages incités à consommer
Ensuite, «
l'épargne est importante en raison du vieillissement de la population
et du développement de la Chine, où le taux d'épargne des ménages est
extrêmement élevé ». Enfin, « la profondeur de la crise de 2008
a poussé les banques centrales à prendre des mesures de politique
monétaire non conventionnelles ». Sans compter que, suite à la faillite de Lehman Brothers, « la rerégulation du système bancaire a incité les banques à détenir des actifs sans risque », ce qui pousse, là encore, les taux d'intérêt à la baisse, ajoute Agnès Benassy-Quéré, présidente déléguée du CAE.
Des
taux d'intérêt faibles sont aussi souhaitables du fait de la conjoncture
économique actuelle plutôt morose. Ils devraient logiquement inciter
les ménages à réduire leur épargne
, peu rémunérée, et donc à consommer. Tout en poussant les entreprises à
s'endetter pour financer des investissements. Malheureusement, ce
raisonnement, théorique, peut être contrebalancé. Dans certains
secteurs, comme l'industrie, les prix de la production baissent, ce qui
rend beaucoup plus risqué l'investissement, même en période de taux bas.
Et le déterminant principal de l'investissement reste les perspectives
de demandes. Si elles ne sont pas bonnes, les taux bas ne pourront pas,
seuls, convaincre les chefs d'entreprise.
En
ce qui concerne les ménages, devant la baisse de leurs revenus
d'épargne, ils peuvent très bien préférer épargner plus même pour garder
un revenu équivalent, si cela peut paraître contre-intuitif. Sans
compter que les politiques de taux bas sont en général concomitantes
avec une conjoncture difficile, qui se caractérise par un chômage élevé.
Là encore, face au risque de perdre leur emploi, les ménages peuvent
être enclins à constituer une épargne de précaution. La conséquence est
ainsi inverse à celle espérée.
Guillaume de Calignon
