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mardi 6 décembre 2016

Pourquoi l’Italie n’est pas attaquée sur les marchés

La réaction des investisseurs après la victoire du non au référendum et la démission de Matteo Renzi est plutôt mesurée.

Certains avaient promis un séisme en cas de victoire du « non » au référendum. Un choc de nature à remettre en cause l'existence même de la zone euro, des faillites de banques en série etc.
Finalement, les marchés accusent à peine le coup. Comment expliquer cette réaction très modérée au lendemain de la défaite cinglante de Matteo Renzi poussé à la démission

1 - La victoire du « non » a été largement anticipée

 

Contrairement aux élections américaines ou au Brexit, le résultat du référendum était largement attendu. « Les marchés ont cependant été déçus par l'écart plus important que prévu entre les deux camps (60 % pour le non) », explique la banque ING. C'est sans doute ce qui explique le brutal décrochage de 1,59 % de l'euro face au dollar juste après l'annonce des résultats. Dans la matinée, la baisse de l'euro s'est atténuée. En début d'après-midi, la monnaie unique est même revenue à l'équilibre et gagne un peu plus de 0,1%.

2 - L'Italie ne sombre pas dans le populisme

 

La banque ING rappelle également que « le vote en faveur du non n'implique pas de changement substantiel dans le gouvernement (vers des partis anti-estblishment) ou des élections anticipées dans l'immédiat. » Le parti populiste « Mouvement 5 Etoiles » n'est pas aux portes du pouvoir : selon Natixis, la formation d'un gouvernement technique est le scénario le plus probable (70%). Matteo Renzi serait remplacé par Enrico Letta ou Pier Carlo Padoan, tous deux issus du Parti Démocrate.

Natixis estime la probabilité d'élections anticipées en février 2017 à seulement 10% : « il s'agit sans aucun doute de l'issue la plus défavorable. C'est aussi la moins probable car elle nécessiterait une dissolution immédiate du parlement par Matarella. Or, ne sachant pas quelle loi électorale sera appliquée en cas de nouveau scrutin, il est peu vraisemblable que ce dernier prenne ce risque avant la décision de la Cour Constitutionnelle en janvier », détaille la banque, qui pense qu'il serait plus probable (20%) que Renzi reste Premier ministre.

3 - La BCE prête à voler au secours de l'Italie

 

L'institut monétaire a laissé dire la semaine dernière qu'il pourrait temporairement acheter plus de bons de Trésor italien dans le cas où l'issue du référendum pousserait à la hausse les coûts de financement de l'Etat. Une manière très efficace - la banque centrale européenne ayant un énorme pouvoir sur les marchés financiers - de calmer les ardeurs de certains spéculateurs  : « on ne s'oppose pas à la banque centrale », disent toujours les financiers.

Le spread entre l'Italie et l'Allemagne reste en dessous du niveau atteint en novembre. - (c) Bloomberg
Le spread entre l'Italie et l'Allemagne reste en dessous du niveau atteint en novembre. - (c) Bloomberg
De fait, le taux à 10 ans a pris seulement 10 points de base et passe au-dessus de la barre des 2%. En dépit d'une petite tension, le spread - c'est-à-dire la différence entre le taux italien et allemand - demeure inférieur à ses niveaux atteints en novembre. Enfin l'agence de notation Standard & Poor's estime que le résultat du référendum n'a aucun impact dans l'immédiat sur la note de la dette italienne. 

4 - La situation plus complexe des banques

 

Le sort des banques italiennes demeure plus incertain. « Toute la question dans un premier temps est de savoir comment les investisseurs vont juger la capacité de résilience des banques italiennes. S'il apparaît que ces dernières échouent à lever des capitaux dans le contexte actuel en Italie, un cercle vicieux peut se mettre en place et contaminer les autres places boursières européennes », jugent les analystes d'Aurel BGC.

Un sentiment partagé par Pimco : « l'issue du référendum rend la recapitalisation de Monte Dei Paschi plus compliquée, avec un effet négatif qui pourrait se propager à l'ensemble du secteur italien et en particulier à UniCredit qui cherche à réaliser une augmentation de capital. »

En Bourse, les banques font du yo-yo : après avoir ouvert en baisse de 3,63%, l'indice des 9 principaux établissements italiens est remonté jusqu'à prendre près de 1%. Vers midi, il cède néanmoins 2,23%. Ce sont les banques populaires qui affichent les pires performances (autour de -5%).

Etienne Goetz