L’empêchement de François Hollande permet au Premier ministre de le remplacer au pied levé dans la primaire. Un pari.
Le renoncement de François Hollande ouvre la voie à Manuel Valls pour se présenter à la primaire du PS
et essayer d'être son candidat à l'élection présidentielle l'année
prochaine. La tâche sera immense si l'actuel Premier ministre veut
espérer l'emporter. Pour lui, il s'agira à la fois de défendre un bilan
que François Hollande n'a pas voulu endosser devant les électeurs, et de
porter un projet à même de rassembler les socialistes sur son nom.
Un
double pari difficile à remplir à l'heure où sa personnalité continue
de cliver au sein de sa famille politique, quand le PS et la gauche sont
plus divisés que jamais. La primaire voit s'opposer deux conceptions de
la gauche de gouvernement et la multiplication des candidatures
à l'extérieur de cette consultation (Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel
Macron, Sylvia Pinel ou encore Yanick Jadot) rendent plus
qu'hypothétique une victoire de ce camp l'année prochaine, à l'heure où
la droite se réunit derrière François Fillon . Manuel Valls, ou le théoricien des « deux gauches irréconciliables », devra prouver ses capacités de rassemblement. Pour l'instant, il en est encore loin : selon le dernier sondage Elabe pour "Les Echos"
, Manuel Valls n'est crédité que de 9 % des intentions de vote au
premier tour, à peine mieux que François Hollande. Jeudi soir, il a
salué « le choix d'un homme d'Etat » dans la décision du président de la République.
Il devrait quitter Matignon
Ce
sera sa deuxième candidature à une primaire. La première fois, c'était
en 2011 et l'ancien maire d'Evry était ressorti avec un score minime de
5,63%, derrière les deux qualifiés du second tour - François Hollande et
Martine Aubry - mais aussi derrière Ségolène Royal et Arnaud
Montebourg. Il retrouvera ce dernier dans les prochains jours pour une
compétition qui s'annonce d'ores et déjà acharnée.
Samedi, dans le
19e arrondissement parisien, le meeting de la « Belle alliance populaire
», qu'il clôturera, sera l'occasion pour Manuel Valls de lancer sa
campagne pour la primaire et de tenter sa conquête du PS. Selon toute
vraisemblance, il devrait quitter Matignon pour se consacrer à sa
campagne. La question posée à son cabinet n'attirait ce jeudi qu'une
réponse - « Rien ce soir » - qui ne confirme ni n'infirme cette hypothèse.
La primaire s'annonce animée
Manuel
Valls se prépare depuis longtemps. Il le faisait savoir et distillait
des messages, donnant notamment des signaux à sa gauche. Lui, le
droitier du parti, dont la seule évocation du nom donne des sueurs
froides à l'aile gauche du PS, n'a jamais caché sa volonté de concourir à
l'élection reine de la Ve République. Loyal, il n'a jamais voulu se
présenter contre François Hollande. Mais depuis la rentrée et
l'impopularité croissante du locataire de l'Elysée, incapable de se
relancer pour la dernière rentrée de son quinquennat, Manuel Valls était
entré dans une stratégie d'empêchement afin de le dissuader de se
représenter. Le livre « Un président ne devrait pas dire ça », lui a
fourni une occasion rêvée pour engager son bras de fer.
« Valls est passé d'une stratégie de recours à une stratégie de dissuasion
», ne pouvait que constater un ministre en fin de semaine dernière.
Même les plus hollandais des ministres ne cachaient pas leur trouble
devant un François Hollande embourbé et un Manuel Valls offensif, ce
dernier réussissant à passer pour l'héritier naturel. Alors que
l'échéance approchait pour François Hollande, contraint de se déclarer
avant le 15 décembre, Manuel Valls a accentué sa pression pour
finalement obtenir gain de cause. La primaire s'annonce animée. « Cette décision respectable [de François Hollande, NDLR] ouvre
la voie au Premier ministre qui porte un projet que tout le monde
connaît, il est celui qui a théorisé les gauches irréconciliables, le
refus de se poser au coeur de la gauche », a réagi Benoît Hamon, autre candidat à la primaire.
Gregoire Poussielgue