.

.

samedi 3 décembre 2016

Croissance française, morne plaine

Jean-Marc Vittori

Les courbes économiques font parfois penser à des paysages. En France, celle du chômage amorce le profil d'un ballon vosgien dont la descente reste à confirmer. Celle de la croissance montre un gouffre en 2009 suivi d'un talus, puis le lit d'une rivière. Une figure sans précédent dans l'histoire du pays avec une croissance de 0,5 % par an, soit une stagnation du revenu par tête. Aujourd'hui, nous sommes revenus sur une morne plaine avec une croissance qui dépasse à peine 1 %. L'an dernier, cette année, sans doute l'an prochain... Impossible apparemment de dépasser un rythme annuel de 1,2 ou 1,3 %, deux fois moins rapide que celui observé lors des deux décennies achevées en 2007. Comme si le pays était trop fatigué pour aller plus haut. Il a d'ailleurs finalement peu profité de ce que son président avait appelé l'alignement des planètes, la forte baisse de trois prix essentiels de l'économie - pétrole, argent (taux d'intérêt), monnaie (taux de change). Il y a trente ans, le contrechoc pétrolier avait porté la croissance... deux points plus haut. Cette fois-ci, il l'a tout au plus sorti de la vallée. Et le meilleur est passé. Les planètes ne sont plus alignées. Le pétrole renchérit depuis le début de l'année ; les taux d'intérêt à long terme remontent depuis quelques semaines ; l'euro pourrait se replier dans les prochains mois après s'être apprécié. 

Les optimistes pourront toujours souligner que l'économie française fait preuve d'une forme de résistance. Le désalignement des astres ne la fait pas replonger. Pas plus que les inquiétudes sur les banques européennes au début de l'année, la grande frousse du Brexit, ou une effroyable vague d'attentats. Les consommateurs ont envie de consommer et les créations d'emploi leur donnent un peu plus de moyens. Les investissements sont repartis, aussi bien le logement côté particuliers que l'équipement côté entreprise. Il y a comme un socle de croissance. Il est trop bas, mais il a le mérite d'être là.
De ce constat découlent deux messages essentiels pour le futur président qui entrera à l'Elysée en 2017. D'abord, il serait périlleux de promettre le retour d'une croissance plus forte et d'en escompter les fruits. Rappelons que les candidats du second tour de l'élection présidentielle de 2012 annonçaient tous les deux une progression du PIB proche de 2,5 % en fin de mandat... Ensuite et surtout, cette morne plaine n'est pas une fatalité. D'autres pays ont tout simplement une activité plus dynamique qui vient d'une meilleure politique. La France doit renforcer son offre sans tuer sa demande. C'est évidemment une oeuvre de longue haleine. Le moment est venu de faire des propositions et d'en débattre.

Source