Jean-Marc Vittori
Les
courbes économiques font parfois penser à des paysages. En France, celle
du chômage amorce le profil d'un ballon vosgien dont la descente reste à
confirmer. Celle de la croissance montre un gouffre en 2009 suivi d'un
talus, puis le lit d'une rivière. Une figure sans précédent dans
l'histoire du pays avec une croissance de 0,5 % par an, soit une
stagnation du revenu par tête. Aujourd'hui, nous sommes revenus sur une
morne plaine avec une croissance qui dépasse à peine 1 %. L'an dernier,
cette année, sans doute l'an prochain... Impossible apparemment de
dépasser un rythme annuel de 1,2 ou 1,3 %, deux fois moins rapide que
celui observé lors des deux décennies achevées en 2007. Comme si le pays
était trop fatigué pour aller plus haut. Il a d'ailleurs finalement peu
profité de ce que son président avait appelé l'alignement des planètes,
la forte baisse de trois prix essentiels de l'économie - pétrole,
argent (taux d'intérêt), monnaie (taux de change).
Il y a trente ans, le contrechoc pétrolier avait porté la croissance...
deux points plus haut. Cette fois-ci, il l'a tout au plus sorti de la
vallée. Et le meilleur est passé. Les planètes ne sont plus alignées.
Le pétrole renchérit depuis le début de l'année ; les taux d'intérêt à
long terme remontent depuis quelques semaines ; l'euro pourrait se
replier dans les prochains mois après s'être apprécié.
Les
optimistes pourront toujours souligner que l'économie française fait
preuve d'une forme de résistance. Le désalignement des astres ne la fait
pas replonger. Pas plus que les inquiétudes sur les banques européennes
au début de l'année, la grande frousse du Brexit, ou une effroyable
vague d'attentats. Les consommateurs ont envie de consommer
et les créations d'emploi leur donnent un peu plus de moyens. Les
investissements sont repartis, aussi bien le logement côté particuliers
que l'équipement côté entreprise. Il y a comme un socle de croissance.
Il est trop bas, mais il a le mérite d'être là.
De
ce constat découlent deux messages essentiels pour le futur président
qui entrera à l'Elysée en 2017. D'abord, il serait périlleux de
promettre le retour d'une croissance plus forte et d'en escompter les
fruits. Rappelons que les candidats du second tour de l'élection
présidentielle de 2012 annonçaient tous les deux une progression du PIB
proche de 2,5 % en fin de mandat... Ensuite et surtout, cette morne
plaine n'est pas une fatalité. D'autres pays ont tout simplement une
activité plus dynamique qui vient d'une meilleure politique. La France
doit renforcer son offre sans tuer sa demande. C'est évidemment une
oeuvre de longue haleine. Le moment est venu de faire des propositions
et d'en débattre.
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