Le Parlement tient sa solution pour appliquer l'initiative contre l'immigration de masse. Le Conseil national a mis lundi la touche finale à un projet qui cible le marché du travail avec des contraintes limitées pour les employeurs.
Le National a éliminé toutes les divergences restantes. Par 98 voix contre 94, les députés n'ont pas voulu obliger le Conseil fédéral à soumettre les ordonnances d'application de la loi au Parlement, rejetant une proposition du PDC et de l'UDC.
Cette dernière a insisté en vain pour inscrire la préférence nationale. Le PDC aurait voulu assouplir les conditions permettant au Conseil fédéral d'agir, sans plus de succès. Marco Romani (PDC/TI) a décrié un projet "inefficace". Le solde migratoire dépend de la conjoncture économique, pas des lois, a rétorqué Cesla Amarelle (PS/VD) au nom de la commission.
UDC insatisfaite
Le projet doit encore passer le cap des votations finales vendredi, mais ce devrait être une formalité car l'UDC est la seule opposante déclarée. La direction du parti a en outre décidé de ne pas lancer de référendum, estimant que cela ne servirait à rien.
L'UDC est pourtant tout sauf satisfaite du travail parlementaire. A son grand dam, les Chambres n'ont jamais voulu instaurer ni plafonds, ni contingents annuels pour les Européens. Pas question de mettre en danger les relations bilatérales avec l'UE en enfreignant l'accord sur la libre circulation des personnes.
Le Parlement espère limiter l'immigration européenne en incitant les employeurs à recruter des chômeurs plutôt que des personnes à l'étranger. Dans le modèle par pallier retenu, le Conseil fédéral doit d'abord prendre des mesures pour épuiser le potentiel offert par la main-d'oeuvre en Suisse.
Chômeurs d'abord
Les patrons ne seront bridés que pour les groupes de profession, domaines d'activité ou régions économiques qui enregistrent un chômage supérieur à la moyenne. Sous peine d'une amende pouvant aller jusqu'à 40'000 francs, les employeurs devront annoncer leurs postes vacants aux services publics de l'emploi et convoquer à un entretien ou un test d'aptitude les candidats sélectionnés par le service.
Pas question toutefois d'obliger les patrons à justifier leur éventuel refus. Craignant un excès de bureaucratie, la majorité bourgeoise a vite tordu le cou à cette idée initialement soutenue par le Conseil des Etats. Les résultats de la procédure devront simplement être communiqués au service de l'emploi.
Les mesures concernant les embauches pourront être limitées à des régions économiques comme le Tessin et les cantons en proposer au Conseil fédéral, par exemple en cas de problèmes sérieux causés par des frontaliers. Le gouvernement pourra aussi arrêter des exceptions, notamment pour les entreprises familiales.
Le Parlement saisi
Si l'effet visé n'est pas atteint, il devra soumettre des mesures supplémentaires au Parlement. Elles devront être respectueuses des engagements de la Suisse relevant du droit international même si le Parlement ne l'a finalement pas précisé dans la loi.
Contrairement à ce que proposait le Conseil fédéral, il sera exclu de contingenter les permis des personnes ne venant pas travailler comme les étudiants, les rentiers ou les étrangers en séjour de soins. Pour l'immigration extra-européenne, l'actuel système de plafonds annuels sera poursuivi.
Afin d'éviter les abus à la libre circulation, les étrangers séjournant en Suisse comme chercheurs d'emploi n'auront pas accès à l'aide sociale. Les Européens qui perdent leur emploi durant la première année de séjour auront six mois pour quitter la Suisse.
Constitution enfreinte
Cette mise en oeuvre ne respecte pas le texte voté par le peuple le 9 février 2014. Mais les accords bilatéraux doivent être sauvés et le peuple devra de toute façon revoter sur une adaptation de la charte fondamentale en raison de l'initiative "Sortons de l'impasse" (RASA) qui veut biffer le nouvel article constitutionnel, ont fait valoir le Conseil fédéral et la majorité durant les débats.
Les Chambres fédérales ont paré au plus pressé. Rien ne dit que leur solution permettra de limiter l'immigration, mais elles devaient boucler leur travail cette session afin que Conseil fédéral puisse ratifier l'extension de l'accord à la Croatie et la Suisse être pleinement réintégrée à l'accord européen sur la recherche Horizon 2020.
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