Promesses excessives, populisme, creusement des inégalités entre le nord et le sud de la péninsule expliquent en grande partie la victoire du "non".

« Nous avons offert la possibilité d’un changement aux Italiens. C’était simple et clair, mais nous avons échoué », a déclaré le président du Conseil italien Matteo Renzi alors qu’il annonçait sa démission, hier, dans la foulée de la victoire du « non » massif (59% contre 41%) au référendum constitutionnel. Certes, ce scrutin ne provoque pas -pour le moment- un séisme boursier en Europe. Même si l’euro est chahuté et si le fragile système bancaire italien – à commencer par Monte Dei Paschi di Siena (MPS) en pleine restructuration- est sous pression. Bien sûr, Matteo Renzi, qui est aussi le secrétaire du Parti Démocrate, peut encore redevenir Premier ministre à la faveur d’un tour de passe-passe à l’italienne. Mais le scenario le plus probable serait qu’il cède sa place à un nouveau premier ministre -de son camp ou plus consensuel- dont le premier objectif va être de préparer avec le parlement une nouvelle loi électorale. Autrement dit, l’hypothèse d’élections législatives anticipées n’est pas à l’ordre du jour.
Au-delà des conséquences immédiates du « non », force est de constater que le chef du gouvernement italien est la troisième victime de la vague populiste qui secoue les démocraties occidentales cette année. Après l’ex-Premier ministre britannique David Cameron tombé dans la foulée du Brexit et Hillary Clinton défaite par Donald Trump lors de la présidentielle américaine. Ironie de l’histoire: celui que certains avaient surnommé le démolisseur (Il rottomatore) et qui avait lui-même promis d’envoyer à la casse la vieille classe politique, la Casta, risque de s’y retrouver. Du leader d’extrême droite Matteo Salvini, patron de la ligue du Nord, au populiste Beppe Grillo (Mouvement 5 étoiles) à Massimo D'Alema, représentant de l’ultra gauche au sein du Parti Démocrate, sans oublier Silvio Berlusconi, les adversaires du 1er ministre italien avaient fait de ce scrutin un « tous contre Renzi ».
Des promesses démesurées
Outre ces calculs politiques, la victoire éclatante du « non » dans 17 régions sur 20 a d’autres racines. Celui qui s’était engagé à réformer l’Italie en 1.000 jours paye cash ses promesses démesurées. Certes, Matteo Renzi peut se prévaloir d’avoir créé plus de 600.000 emplois avec sa réforme du marché du travail (jobs Act). Malgré tout, le taux de chômage est remonté en septembre vers son niveau de janvier 2016 et l’Italie figure toujours parmi les plus mauvais élèves de la zone euro en matière de croissance avec 0,8% seulement en 2016.
Pour certains analystes, le résultat de ce scrutin s’explique aussi par le creusement des inégalités qui n’a cessé de monter depuis 40 ans- et auquel Renzi ne s’est pas attaqué- entre le nord industriel et le sud plus agricole. Comme le montrent les scores canons du « non » dans les régions du sud (71,5% en Sicile, 67% dans les Pouilles et en Calabre), conséquence du creusement des inégalités qui n’a cessé de s’accroître avec le nord industriel. Le chômage s'élève ainsi à 20% de la population active dans le sud contre 9,5% dans le nord. Il atteint même le niveau record de 80% pour les femmes et de 56% pour les moins de 34 ans dans le sud. En outre, plus de 60% des habitants du pied de la botte italienne gagnent moins de 12.000 euros par an et près d’un tiers d'entre eux est menacé par la pauvreté. Pas étonnant dans ces conditions que le PIB par habitant soit de 31.500 euros au nord contre un peu moins de 17.000 euros dans le sud.
Mais cette lecture géographique du vote en faveur du « non » comporte de sérieuses limites. De « riches » régions du nord comme la Lombardie et la Vénétie ont ainsi rejeté la réforme constitutionnelle portée par Matteo Renzi, le non l'emportant avec respectivement 55,49% et 61,94% des suffrages. Autrement dit, résumer le vote en faveur du « non » à celui des pauvres peu éduqués paraît un peu court. Celui-ci est aussi le produit de la montée de l’europhobie et de la pression migratoire venue d’Afrique à laquelle doit faire face la péninsule, avec l’accueil de 150.000 réfugiés cette année.
Jean-Pierre De La Rocque
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