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dimanche 4 décembre 2016

Si François Fillon n’a pas encore gagné, Marine Le Pen n’a pas encore perdu !






J.-P. Fabre Bernadac


À peine Fillon vient-il d’être élu, contre toute attente, candidat des Républicains que, déjà, les commentateurs de droite, notamment ceux du Figaro, parient leur crédibilité sur ce cheval de retour du gaullisme. Ainsi Chantal Delsol, membre de l’Institut, tient en l’ancien Premier ministre celui qui va rendre son âme à la droite :

« Interdits d’existence parce que constamment assimilés au fascisme, les gouvernants de droite n’osaient jamais défendre leurs propres convictions, et leurs électeurs, moins craintifs, votaient pour les extrêmes. Lesquels prospéraient, pour la plus grande joie de la gauche. Et il est fort probable que l’extrême droite perdra ses atouts et sa force dans une société où s’exprimera ouvertement une véritable droite, dont elle n’était là que pour suppléer l’absence dans le désarroi et l’excès. On s’interroge depuis des années pour savoir comment faire chuter le Front national, et c’est même presque l’unique question posée par les commentateurs. Seule une droite affirmée et paisible fera chuter le Front national, non parce que ce sera sa seule préoccupation, mais parce qu’elle apportera un projet attendu à des millions d’électeurs conservateurs qui ont choisi les extrêmes par dégoût pour la pusillanimité de ses représentants. »

En résumé, grâce à Fillon, nous allons nous débarrasser en deux coups de cuillères à pot de Marine et de l’extrême droite. Il n’y a plus qu’à attendre sereinement le joli mois de mai en prenant les mensurations du Manceau pour sa jaquette présidentielle.
Hélas, Mme Delsol, il me semble que certains grains de sable perturbent votre vision.

D’abord, le député de Paris est l’homme de la bourgeoisie – on l’a vu lors des primaires. N’étant pas un tribun comme le dernier chef d’État dit « de droite », il aura du mal à faire vibrer les classes populaires et à les rassembler derrière lui.

Ensuite, même si au premier tour son avantage est certain, il faudra tenir compte de l’humeur de l’autre François – Bayrou -, et savoir si le patron du centre est déterminé à faire de l’ombre au candidat idéal de la droite. 

Enfin, l’élection présidentielle se déroule sur deux tours. Or, sur le champ de bataille présidentiel, Marine Le Pen a deux armes :
Elle possède une aile gauche avec Florian Philippot qui, notamment, tient le Nord et l’Est, et une aile droite avec Marion Maréchal, qui s’arc-boute au sud, même si elle peut être entamée par la candidature Fillon.

Imaginons le second tour : je vois mal les socialistes, et encore moins Mélenchon, expliquer à leurs électeurs qu’il faut voter Fillon, cet ancien féal de Sarkozy, catho réactionnaire et ultralibéral. Aussi, nombre de votants de gauche iront, ce jour-là, cueillir du muguet, certains mêmes risquant en catimini de voter Marine. 

Mais le plus important est ailleurs : chez les abstentionnistes et ceux qui ont voté blanc, ces 25 % qui ont manifesté en 2012 leur mauvaise humeur. Ceux-ci sont généralement de petites gens qui ne se reconnaissent plus dans les partis politiques, exécrant notamment les vieux chevaux de retour, tel Fillon, qui depuis des décennies arpentent les couloirs ministériels. Marine, face à ce dinosaure parlementaire, a des chances de ramasser la mise des « sans-dents » comme des « sans-vote ». Elle sera la candidate anti-système par excellence, qui possède une chance de victoire bien plus considérable qu’il y a cinq ans. 

La bataille sera rude mais, enfoncée sur sa gauche par Florian Philippot et tenant héroïquement sa droite par Marion Maréchal, la fille cadette de Jean-Marie Le Pen pourra lancer une offensive avec sa réserve d’abstentionnistes et, ainsi, enlever l’Élysée.
En résumé, Mme Delsol, si François Fillon n’a pas encore gagné, Marine Le Pen n’a pas encore perdu ! 

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